Minutes d’un procès d’intention artistique

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    Entretien “à charge” d’Adam Vackar par Guillaume Désanges [2006]

    NOTIFICATION

    Comme convenu, je te propose que nous démarrions un entretien « à charge », soit : sous la forme du procès (d’intention), arbitraire et partial. Je t’interrogerai donc comme un procureur et toi tu seras comme K, l’accusé sans raison du livre de Kafka, dont l’étrange absurdité doit t’être familière, j’imagine. Après avoir attentivement regardé ton travail, j’ai donc volontairement cherché et identifié certains de motifs d’accusation, à propos desquels je voudrais bien que tu t’expliques, que tu te justifies, voire dont tu te disculpes. Ou bien, que tu réfutes, refuses ou nies. A toi de voir. Pour l’instant, tu es (encore) libre.

    Date: October 30, 2006 6:16:40 PM CEST

    Accusation :

    La séance est ouverte :

    Accusation n°1 :

    Adam Vackar, né en 1979 à Prague, en Tchécoslovaquie, artiste plasticien, pratiquant la photographie, la vidéo, l’installation et la performance, demeurant entre Prague et Paris, mais aussi au Japon., nous vous notifions, que
    Considérant : votre vidéo « One Minute of Silence » (2006), dans laquelle un lent travelling latéral montre divers protagonistes de la vie réelle respectant une minute de silence que vous leur avez imposée,
    Considérant : votre performance « Silence in Palais de Tokyo », (2006), au cours de laquelle vous obtenez le même effet dans un lieu public, à l’aide d’un commando imposant le silence par mégaphone,
    Considérant : que la tradition de la « minute de silence » m’a toujours paru ambiguë, voire scabreuse, dans son caractère la fois émouvant et autoritaire, intime et consensuel, volontaire et mimétique. Un événement toujours « pseudo-collectif », tant il proscrit emblématiquement tout dialogue ou échange directs, alors même qu’il est censé être fédérateur. Finalement, une célébration centrifuge, possiblement égoïste et subjective, plus proche de la prière que de la commémoration solidaire,
    Considérant : que ces performances, formellement (et acoustiquement) impressionnantes, reviennent en définitive à « faire taire », « obtenir le silence », pour des raisons obscures et dans tous les cas non explicitées, comme s’il s’agissait de mesurer le degré de soumission des citoyens à l’ordre arbitraire d’une minorité qui possède le mégaphone,
    Considérant, enfin : que vos origines culturelles (d’un pays de l’ex « bloc soviétique ») en constitue une circonstance aggravante,
    Vous êtes accusé en première instance de réactualiser, de manière discrètement subversive, certaines formes d’une organisation autoritaire et dictatoriale de la société.
    Vous avez la parole.

    Date: November 1, 2006 11:18:46 PM CEST

    Adam Vackar :

    Cher Accusateur,

    On pourrait le croire, en effet, parce que je convoque et revendique certains symboles du communisme, mais en vérité, je m’oppose à toute idée d’organisation. L’idée même de dictature me rappelle l’expérience du communisme, qui est pour moi un traumatisme. Le problème avec le communisme est qu’il a abouti à un système hiérarchique, alors qu’au contraire, l’idée de départ en était l’abolition, afin de parvenir à l’égalité et au partage.
    Par le silence, je veux retrouver une utopie perdue : celle de l’absence de la hiérarchie. Le silence est un point blanc, une pause, un espace neutre. Imposer le silence à mille deux cents personnes ne peut se faire qu’en partage avec le public. Cette idée de partage renvoie donc à une autre utopie, celle-ci poétique, puisqu’elle prend une forme artistique, en opposition avec l’utopie politique qu’est le communisme, et qui, elle, a échoué. Pour parvenir à l’utopie du partage, j’utilise le même langage que la dictature. Imposer le silence de manière autoritaire révèle exactement de la même contradiction que quand c’est pratiqué dans une dictature. Mais au-delà de ce contexte, j’ai besoin d’implication collective, de m’adresser au public et de l’inclure dans l’œuvre.

    Date: November 2, 2006 6:10:20 PM CEST

    Accusation :

    Merci Mr Vackar,

    Votre habilité rhétorique vous amène à opposer l’utopie poétique à l’utopie politique (soit l’idéal du partage contre la négation de l’individualité), mais dans une logique d’écho, de miroir tendu, comme une contre-utopie en perspective. Reflets inversés de mouvements similaires. Oui, cela relève d’un certain mimétisme critique, qui ; je vous le rappelle tout de même, révèle toujours une fascination autant qu’une accusation. Néanmoins, ce qui frappe dans vos vidéos-performances autour du silence imposé, plus que le temps partagé, c’est la représentation d’un temps figé, comme suspendu, et qui, du coup,  apparaît neutre, dévitalisé. Ces personnages muets semblent hébétés, vidés de toute volonté, comme des grenouilles de laboratoires à qui l’on aurait enlevé la moelle épinière. Littéralement « énervés » (de « énervation »). Immobilisés physiquement et moralement, ils renvoient à ces images d’un monde soudain pétrifié dans son activité quotidienne, dans la série « la 4e dimension » (ou le film « Paris qui dort » de René Clair), lorsque des personnages échappant au sortilège se faufilent dans un décor de statues humaines. Donc, Mr Vackar, je vous pose la question directement : cette vision d’une société du travail et de l’enseignement figée, paralysée, ne constitue-t-elle pas, de manière inconsciente, l’allégorie d’un monde arrêté dans sa quête politique, celui de « la fin de l’histoire », de la fin des utopies, du jour sans lendemain ? Une vision très anti-hégélienne (et d’une certaine manière anti-marxiste) du cours de l’histoire, que l’on retrouve de manière emblématique, dans votre vidéo Towards The End, une boucle sans fin d’une portion de route à Ushuaïa, c’est-à-dire au bout du monde. Et en ce sens, n’êtes-vous pas le tenant d’une vision politique relevant d’un désenchantement postmoderne ?

    Vous avez la parole.

    Date: November 4, 2006 11:15:31 AM CEST

    Adam Vackar :

    L’idée de Towards The End m’est venue dans cette ville que les agences de voyage surnomment « la fin du monde », par stratégie marketing pour attirer les touristes. A Ushuaia, j’avais le sentiment que l’environnement et l’ambiance étaient presque les mêmes que dans le village tchèque ou je passais mes vacances lorsque j’étais enfant. À cette époque, la fin du monde se situait pour moi au niveau de la haie du jardin de mon grand-père.
    Quand je me suis promené sur cette route irrégulière et rugueuse à l’extrême sud de la Patagonie et malgré l’immense distance parcourue pour parvenir à cet endroit, je n’avais pas du tout le sentiment d’être à la fin du monde. Et c’est là où j’ai eu l’idée de cette vidéo. Elle révèle la relativité de la notion de « fin » qui, je pense, est tout simplement une peur de l’inconnu. Ce qui est important dans cette vidéo, ce sont les lignes tracées sur la route. J’ai dessiné des lignes éphémères, avec de la farine, sur ce chemin encore vierge, afin de rendre visibles des limites figurant la hiérarchie de notre société.
    Par ailleurs, les idées du postmodernisme sont pour moi toujours très importantes, car elles me permettent de tracer une trajectoire à travers les visions utopiques de Hegel, Marx et Fukuyama et de comprendre que chacune de leur vision de la fin du monde ou de l’histoire cache en fait une peur de l’avenir et de l’inconnu. À mon avis, ces visions de fin du monde se répètent au cours de l’histoire, apparaissent et disparaissent comme des mirages qui se reflètent dans le rétroviseur d’une voiture…

    Date: November 6, 2006 11:53:27 AM CEST

    Accusation :

    Accusation n°2 :

    Considérant : Sputnik Black (2006), une reproduction du célèbre satellite russe des années 1950 entièrement enduit de cette peinture noire emblématique de la marque allemande Mercedes-Benz. Soit un symbole de la domination aérospatiale de l’ex-Union soviétique (ayant fait long feu) customisé aux couleurs du capitalisme triomphant de l’Ouest (DaimlerChrysler, dont on connaît par ailleurs les liens avec le régime du 3e Reich),
    Considérant : Open Source (2006), une sukkah (cabane fabriquée artisanalement pour la fête traditionnelle de Soukkot dans la culture juive), construite ici à votre demande par une famille non-juive typiquement tchèque. Soit une sculpture pénétrable hybride, métissée, opérant une improbable mixité culturelle en associant des traditions vernaculaires extrêmement éloignées (voire opposées, si l’on pense à la récente résurgence de tendances antisémites dans les pays de l’est),
    Considérant : Jamming, 2006, une mixture composée de 4 produits (Coca-cola, Nutella, Nescafé, ketchup Heinz) mélangés puis reconditionnés dans leur packaging d’origine, proposant une sorte de condiment idéal à la couleur synthétique, fusion de goût et de matière standardisés et mondialisés, et présenté, de manière sauvage, sous forme d’affiches dans des emplacements publicitaires de l’espace public,
    Considérant, enfin : votre propre identité multiculturelle à travers vos origines tchèques, et votre évolution professionnelle entre la France et le Japon, entre autres,
    Vous êtes accusé en seconde instance de célébrer, à travers ce syncrétisme ambigument critique, l’hybridation déterritorialisée des objets et produits du monde contemporain. Et ce faisant, dans une logique fractale, n’est-ce pas votre propre positionnement professionnel que vous mettez en lumière ici ? A savoir, votre pratique artistique ne relève-t-elle pas elle-même d’une hybridation indéterminée, entre la tradition réactive de l’agit-prop de l’Est et la complaisance formelle occidentale à l’esthétique dominante du marché de l’art (la vidéo projetée, la sculpture post-minimale, le caisson lumineux) ?

    Date: November 11, 2006 9:36:42 PM CEST

    Adam Vackar :

    Oui, j’avoue sans problèmes avoir absorbé les deux influences, mais toujours avec conscience et esprit critique. S’agissant de ma position d’artiste, je pense que c’est un sujet très important, et plutôt complexe. Pendent mes études, je me suis beaucoup inspiré du radicalisme conceptuel de Joseph Kosuth que j’ai rencontré à Tokyo en 1998. Cet artiste, à mon avis l’un des plus influents de l’art conceptuel, considère l’art comme la continuation de la philosophie. Dans son livre Art after Philosophy, il fait une distinction importante entre l’art intellectuel et l’art visuel, c’est-à-dire entre la fonction et la morphologie. Mais, depuis la publication de ce livre, la réalité du monde extérieur a envahi le champ de l’art. Elle a influencé l’art au niveau de l’économie, de la politique, de la société, de l’histoire et l’a profondément transformé. De même qu’en politique, les systèmes démocratiques les plus « évolués » que l’on voit aujourd’hui en Europe sont une fusion du communisme et du capitalisme, l’art est devenu une fusion du formalisme et de l’art conceptuel.
    A l’époque de Kosuth, le milieu artistique constituait encore un monde à part, consacré à un petit groupe d’intéressés. Kosuth explique dans son livre que l’on peut comprendre l’œuvre d’art comme une sorte de proposition présentée dans le contexte de l’art, en tant que commentaire sur l’art même. Mais aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de se poser de telles questions. L’art ne passe plus inaperçu dans la société. C’est grâce au marché de l’art et aux financements extérieurs, que l’art a beaucoup grandi et doit redéfinir sa place dans la société. Je me suis aperçu, avec le changement politique dans mon pays d’origine, qu’en tant qu’artiste il me fallait prendre une autre position qu’avant, et défendre une vision de l’art élargie qui soit plus en interaction avec la société. A mon avis, l’artiste doit provoquer, venir chercher la société, s’impliquer dans la réalité complexe, et défendre le rôle et la position de l’art dans la société (ce qui se passe actuellement en Europe de l’Est où, du à l’absence d’institutions et de centres d’art, les artistes doivent défendre l’art, ce qui constitue leur existence). Pour moi, le rôle de l’artiste est proche de l’anarchiste sans but. En plus, il doit absorber et recycler la réalité et les références : il doit agir, montrer, intervenir, intégrer la diversité des phénomènes existants dans son travail.
    Je pense que ma génération vit une époque de démocratisation de l’art qui, grâce au système du marché, s’ouvre de plus en plus à la société. L’art fait partie d’un réseau de structures sociétales imbriquées les unes dans les autres et qui sont indissociables. C’est l’idée que développe le mathématicien et physicien Fritjof Capra dans le livre The Web of Life. A New Synthesis of Mind and Matter , qui m’a beaucoup apporté. Selon lui, l’élément principal de la constitution du monde n’est pas l’unité mais le réseau qui lie les unités entre elles, « où tout est lié à tout» . Il s’agit d’une révision générale de la pensée contemporaine par une relativisation des échelles : on ne peut se définir que par rapport à la structure qui nous entoure et que l’on veut décrire (les réseaux des atomes, de la famille, des artistes, de l’art, de la société, du monde, de la galaxie, etc…). Ainsi, toutes les définitions restent approximatives car on ne peut jamais les définir dans l’absolu. En ce sens, je pense que dans le futur, l’art devrait jouer un rôle très important, en étant une sorte de guide de la société. Car l’art, pour moi, plus que la philosophie et la politique, intègre la raison et les émotions.

    Date: November 21, 2006 12:57:24 AM CEST

    Accusation :

    Si je comprends bien, votre positionnement est celui de la défense d’un certain relativisme, dont vous prenez acte à défaut de le regretter. Il est indéniable, comme vous le soulignez vous-même, que le marché de l’art (et donc le capitalisme effectif dans le champ de la création) entend oeuvrer, comme partout où il intervient, à l’effacement des frontières : entre la forme et le concept, entre l’abstraction et la figuration, entre l’artiste et la société, entre l’œuvre et le regard, entre “la raison et l’émotion”, comme vous dites si élégamment. Vos oeuvres elles-même semblent en faire état, faisant montre en actes de trajectoires transfrontalières, voire”transgenres” pour reprendre une formule chère aux “cultural studies” : elles apparaissent nomades, c’est-à-dire usant des prérogatives néolibérales de la libre circulation des biens (le spoutnik ayant traversé la galaxie de l’industrie germanique, la tradition de la sukkah remontée en kit à l’Ouest, comme une diaspora “marchandisée”, la ballade en voiture au bout du monde sur la ligne en pointillés).
    Néanmoins, Mr Vackar, ne croyez-vous pas que cet idéalisme post-communiste vous aveugle ? Ne croyez-vous pas que dans le même temps que les anciennes frontières sont effacées, de nouvelles sont tracées ? Non plus entre l’Est et l’Ouest mais entre le Nord et le Sud, non plus même géographiques mais intellectuelles et spirituelles, non plus politiques mais économiques. Ne croyez-vous pas que, de manière discrètement perverse, l’art, entraîné par cette nouvelle donne économique, peut ainsi classer, limiter, et exclure ? Ne croyez-vous pas donc que l’art, s’il doit être engagé dans le réel comme vous le préconisez, devrait également dénoncer ces tensions nouvelles, plutôt que célébrer aveuglément une hypothétique réconciliation des contraires ?

    Date: November 23, 2006 4:28:20 PM CEST

    Adam Vackar :

    Je pense être réaliste, je sais bien que de nouvelles frontières seront tracées. C’est ce principe même que je revendique dans la vidéo Towards The End. Ce n’est pas de l’optimisme mais plutôt un simple constat. C’est une position que je ne regrette pas, parce que le regret est pour moi une forme de passivité.
    Et pour répondre à votre accusation de “transgenre” : pour moi la culture fait partie de l’art aussi bien que l’art fait partie de la culture, je trouve que c’est une réciprocité nécessaire et enrichissante. Je crois aussi que mon optimisme est juste un effet du néo-liberalisme, qui est très prégnant dans les pays post-communistes comme  la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie.
    Je crois aussi comme vous que l’art devrait dénoncer ces tensions nouvelles. Je propose une dénonciation de ces tensions sur le plan artistique comme sur le plan du réel dans mon travail Jamming,  où je mélange quatre produits des consortiums internationaux et qu’ensuite j’interviens dans le métro de Prague avec l’affichage sauvage de la photographie des quatre produits dans une vitrine publicitaire. Pour cette œuvre, je me suis inspiré du livre Liquid Modernity du sociologue anglais Zygmunt Bauman, qui décrit une vision du changement de l’économie dans un système de pouvoir territorial avec des nouvelles frontières. Je trouve cette vision très intéressante. Bauman décrit la réalité comme étant composée d’éléments de l’époque moderne et post-moderne, qui changent leur identité et créent une confusion entre leur ancienne et leur nouvelle interprétation. Ces « composants » sont pour moi représentés par des symboles (comme Coca-cola, Nutella, Nescafé et ketchup Heinz) que je place dans mes œuvres. Ils représentent des références qu’e l’on recycle et dont on ne peut se débarrasser. On retrouve une situation proche dans l’art contemporain, qui est en train de recycler des motifs de l’art conceptuel des années soixante-dix : retour au film expérimental, aux performances, aux textes et dispositifs, etc… On peut retrouver ces formes et ce langage chez la plupart des jeunes artistes. Je pense que c’est tout à fait naturel de recomposer de nouvelles choses à partir d’anciens « composants ».
    Dans ce sens, le nomadisme est pour moi très important, parce qu’il apporte une complexité et une nouveauté à ce regard. Je dois créer des œuvres itinérantes ou qui célèbrent le mouvement, car pour moi, elles nécessitent un effort de compréhension, de déplacement. J’ai l’impression que c’est une obligation aujourd’hui pour un artiste d’être ouvert vers l’ailleurs et d’en nourrir son travail. Quand je dis que l’artiste devrait être engagé dans le réel, je me définis en opposition à un art formaliste et décoratif ne révélant rien de plus que son identité de marchandise. Les pires des œuvres sont pour moi celles qui sont conçues au départ comme une décoration pour une maison de collectionneur, par exemple les travaux de Martin Boyce ou Bernard Frieze, ou un fauteuil de Franz West qui est conçu pour décorer un salon – le vrai cimetière de l’art.
    Je ne suis donc pas très optimiste concernant le système économique. A mon avis, il joue un rôle ambigu : d’une part, identifiant l’œuvre comme une marchandise il en détruit une forme d’authenticité, et, d’autre part, la « démocratisant », il lui permet une visibilité et une circulation plus faciles. Bien qu’elle soit au courant de cette réalité, la plupart des artistes participe de ce marché pour pouvoir survivre économiquement sans savoir où cela les mènera dans leurs recherches, et cela me paraît grave. A travers Sputnik black, qui est une sculpture fabriquée sur le modèle du sputnik mais peinte avec la couleur noire Mercedes, j’essaie de jouer avec les défauts du marché de l’art. Cette sculpture était une commande d’une galerie. A mon avis, elle concentre toutes ces questions que pose le livre Liquid Modernity. Le mélange et la confusion des statuts politiques dans cette pièce met en jeu l’histoire de la marque Mercedes (comme ayant participé à l’entreprise Nazi)  comme celle du spoutnik (comme symbole du succès du communisme) et critique par ce biais le lieu même dans lequel elle évolue, c’est-à-dire, le marché de l’art. Je me suis évidemment beaucoup intéressé au travail de Hans Haacke, qui révèle des problèmes économiques et historiques intéressants, mais sa façon de faire est plus immédiate, plus accessible et peut être plus facile. Plus qu’un art « activiste », je recherche une nouvelle forme de création qui intègre et questionne tous les problèmes complexes évoqués plus haut.

    Date: November 23, 2006 6:57:55 PM CEST

    Accusation :

    Mr Vackar,

    Ne renvoyez pas la faute sur Franz West ou d’autres, s’il vous plaît, qui ne sont pas là pour se défendre. Par ailleurs, je vous laisse responsable de l’emploi du qualificatif « facile » concernant Hans Haacke, car l’apparente facilité et l’immédiateté dans l’art génèrent souvent de grandes complexités en terme d’identité et de réception de l’œuvre d’art. Je renvoie la cour à cette phrase d’Esther Ferrer, à laquelle je souscris bien volontiers moi-même, expliquant que « plus tu es simple, plus tu dis ce que tu penses le plus simplement possible, plus c’est dur pour les autres de l’accepter. »*, mais là n’est pas la question.
    Accusation numéro trois
    Considérant : qu’en présentant votre sukkah en tant qu’objet exposé dans l’espace de l’art, et accompagné de la démonstration pratique de sa fabrication (un peu à la manière de la Box with the Sound of its Own Making de Bob Morris), vous transformez un symbole sacré en objet purement sculptural, artisanal et laïque, amputé de sa signification allégorique originelle,
    Considérant : que vous opérez dans le même esprit en transformant une minute de silence en acte performatif au sein d’une institution artistique, autrement dit en une action qui reste dominatrice mais sans objet, geste célébratif devenu intransitif,
    Considérant : que Sputnik Black éclaire une coïncidence formelle entre le design industriel de l’ère soviétique et une forme sculpturale minimale, plutôt séduisante, contribuant, presque à l’inverse de l’idéal futuriste, à ramener les formes du progrès technique dans l’immobilité du champ esthétique,
    Considérant : que, lors du projet d’exposition collective avec Pawel Althamer au Centre Pompidou, vous avez choisi de montrer un travail d’ouvriers en ombres chinoises, proposant la projection stylisée, presque érotisée, d’une activité laborieuse,
    Vous êtes accusé, en troisième instance de travailler fondamentalement sur le mode d’une esthétisation légèrement ironique du réel, pliant subversivement certains motifs historiques à la nécessité artistique, en évacuant l’énergie fondamental et le sens politique qui les animent. Ce que viendrait d’ailleurs confirmer votre utilisation précédente de l’expression « anarchisme sans but ».

    Date: November 24, 2006 4:27:12 PM CEST

    Adam Vackar :

    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Je ne vois pas ce que vous appelez une “esthétisation légèrement ironique”. Je produis mes œuvres avec sincérité, engagement et sans aucun regret. Faire de l’art est pour moi une nécessité et mes œuvres ont toujours une raison d’être. S’il y a de l’ironie dans mon œuvre, c’est purement accidentel.
    Je pense que ce malentendu est du à une expérience culturelle différente entre vous et moi. Je vous donne un exemple. Quand j’étais enfant, mes amis et moi avons interprété les libertés de la démocratie comme une chance de boire du Coca-cola et de manger les hamburgers au Mc Donald’s, de la même façon que la génération de nos parents avait désiré ardemment la liberté de parole et de voyage. Dans mon travail, cette révérence au marché est tempérée par la dénonciation d’un cynisme de la culture de la consommation et ses excès inutiles, une expression de la tension entre cette nouvelle disponibilité et l’épargne de l’époque communiste. Ce n’est pas de l’ironie, mais un regard engagé qui vient du contexte de mon pays, mon histoire personnelle. Ce n’est en aucun cas du syncrétisme artificiel. Vous pouvez observer des influences parallèles dans le travail d’autres artistes tchèques de ma génération. Kate?ina Šedá, par exemple, qui travaille avec le contexte d’un village tchèque où elle impose des règles d’un jeu à tous les habitants, ou dans le travail de Ji?í Skála qui mesure la réalité et cherche un point stable de départ, ou bien encore dans le travail du designer émergeant Maxim Vel?ovský, qui transforme les bouteilles de Coca-cola en vases de céramique avec le design de l’époque communiste, etc. Ce sont toutes des recherches qui explorent la situation et un phénomène local en profondeur. Elles sont le reflet des mêmes influences culturelles que partout en Europe de l’Ouest, mais sur les bases d’un autre fond culturel, donc notre travail engendre d’autres regards et possibilités d’interprétations. C’est là où c’est enrichissant pour tous les autres, qui n’ont pas eu la chance de vivre une telle transformation.
    Quant au regard à travers l’érotisme et la séduction que vous mentionnez, il peut être appliqué à presque toutes les œuvres d’art de n’importe quelle époque. Je me suis peut-être laissé légèrement influencer par une génération d’artistes français comme Jean-Luc Vilmouth ou Ange Leccia, ou bien encore par leurs étudiants Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno ou Pierre Huyghe, car j’ai aussi étudié, comme eux, chez Jean-Luc Vilmouth, et je partage certaines de leurs idées liées à une universalité d’expression, mais je ne partage pas justement une « sensualité” et une “séduction » parfois trop immédiate dans leur travail. Pour moi, séduction et sensualité relèvent d’une sorte d’hypocrisie, une intention désespérée de plaire. Je sens la nécessité de faire une œuvre qui attire le regard, mais pas de cette façon. La séduction que l’on peut trouver dans mon travail est toujours intentionnelle et critique au fond, comme la séduction intentionnelle du marché.

    Date: December 24, 2006 11:47:12 AM CEST

    VERDICT:

    Cher Adam,

    Merci de ta participation active à ce jeu de rôle qui n’est pas facile. Je trouve que tes réponses font preuve d’une énergie de travail, une profonde réflexion, une remarquable qualité affirmative et une volonté de lucidité qui laissent augurer du meilleur. Pour toutes ces raisons, et après délibération, tu es acquitté.

    L’audience est levée. Faites sortir l’accusé.

    * Entretien avec Sylvette Babin, publié dans la revue Esse Arts + Opinions (Montréal), été 2000

    On Trial for Artistic Intent
    Adam Vackar Cross-examined by Guillaume Désanges
    Paris, October 30, 2006

    NOTIFICATION

    Dear Adam,
    As agreed, I propose we start the interview in the form of an arbitrary trial (for artistic intent). I shall question you like a public prosecutor and you will be like K, the groundlessly accused character in Kafka’s novel The Trial. I am certain you are familiar with its absurdity. Having looked closely at your work, I have identified some grounds for the accusation. I should like you to explain and justify them, and clear your name, or refute, reject, deny them. It is up to you. For the moment you are still free.
    Date: October 30, 2006, 6:16:40 PM

    The trial begins.

    The Charges

    For the prosecution, Guillaume Désanges:

    Charge No. 1:
    The defendant, Adam Vackar, born in Prague, Czechoslovakia, in 1979, a transversal artist who works in photography, video, installation, and performance, living in Paris, Prague and Japan, you are hereby accused in the first instance of updating, in a discreetly subversive way, certain forms of authoritarian and dictatorial organization.Grounds: Your video, A Minute of Silence (2006), a slow, lateral journey showing diverse, real-life characters observing a minute of silence, which you have imposed on them.Grounds: Your performance, Silence in the Palais de Tokyo (2006), in which you achieve the same effect in a public space by demanding silence over a megaphone.Grounds: The tradition of ‘a minute of silence’ has always struck me as ambiguous, because it is emotional and authoritarian, intimate and consensual, voluntary and mimetic. It is always a ‘pseudo-collective’ event, forbidding direct dialogue and exchange even when meant to be collegial. Finally, there is a centrifugal celebration, possibly selfish and subjective, closer to prayer than to joint commemoration.Grounds: These performances, which are formally (and acoustically) impressive, mean ‘keeping silent’ and ‘observing silence’ for obscure reasons that are never clarified. It’s as if it were about arbitrarily measuring the degree of the public’s submissiveness when faced with a minority that has a megaphone.Grounds: Lastly, your cultural background (from a country of the former Soviet bloc) constitutes an aggravating circumstance.

    How do you respond to this charge?

    Date: November 1, 2006 11:18:46 PM

    Adam Vackar:
    One might actually believe this accusation, since I do invoke and claim certain symbols of Communism. In fact, however, I am against any ideas about organization. The very notion of dictatorship reminds me of the experience of Communism, which is traumatizing for me. The problem with Communism is that it resulted in a hierarchical system, while the initial idea was about abolishing that in order to create equality and sharing.By means of silence, I want to discover a lost utopia without a hierarchy. Silence is a blank spot, a pause, a neutral space. Imposing silence on 1,200 people can only happen with their participation. This idea of group activity takes us back to another utopia. It’s a poetic utopia because it adopts an artistic form. It’s in opposition to the political utopia of Communism, which failed.To achieve this utopia of participation, I use the same language as dictatorship. Imposing silence in an authoritarian way involves exactly the same contradiction as when it’s imposed in a dictatorship. But beyond this context, I need to be involved in society, to address myself to the public and to include the public in my work.

    Date: November 2, 2006 6:10:20 PM

    Désanges:

    Charge:
    Your rhetoric skill leads you to use poetic utopia to oppose political utopia (the ideal of sharing as opposed to the denial of individuality), but in the logic of an echo or the reflection of a tightly held mirror, like a counter-utopia in perspective, like inverted reflections of similar movements. It shows a certain, critical mimicry that – I will remind you – still reveals as much fascination as accusation. None the less, your video-performances about imposed silence still strike me as being more about the representation of fixed silence – as if silence were suspended making it seem neutral and devitalized – than it is about shared time. These mute people seem stupefied and emptied of all will, like laboratory rats whose spinal cords have been removed. Literally unnerved. Physically and morally immobilized, they recall images of a world that is suddenly petrified as it goes about its daily business. It’s like that TV series The Fourth Dimension (or René Clair’s film Paris Asleep), when the characters – coming out of a spell – wander through a stage set of human statues. So, Mr Vackar, I will ask you the question directly. This vision of a frozen, paralyzed society of work and teaching, doesn’t it constitute – unconsciously – the allegory of a stopped world without a political quest, ‘the end of history’, the end of utopias, of days without tomorrows? A very anti-Hegelian, almost anti-Marxist vision of the course of history revealed in your video Towards the End, a never-ending loop of part of the road to Ushuaia. That is to say, to the end of the world. In this sense, are you advocating a political vision of Post-Modern disillusionment?

    The defendant may now respond.

    Date: November 4, 2006 11:15:31 AM

    Vackar:
    The idea for Towards the End occurred to me in a town that travel agents have nicknamed ‘the end of the world’ in a marketing strategy to attract tourists. In Ushuaia, I had the feeling that the environment and the ambience were almost the same as in the Czech village where I spent my childhood holidays. At that time of my life, the end of the world was situated, for me, at the top of the hedge in my grandfather’s garden.Walking along this rugged road to the southernmost tip of Patagonia, and despite the vast distance to reach the place, I never for a moment felt that I was at the end of the world. And it’s there that I had the idea for this video. It’s about the relativity of the notion of ‘the end’, which I believe to be fear of the unknown. The important thing in this video is the lines drawn along the road. I drew ephemeral lines with flour on this mostly untravelled road, in order to represent visually the hierarchical limits of our society.Ideas about Post-Modernism still matter to me. They enable me to trace a trajectory through the utopian visions of Hegel, Marx, and Fukuyama, and understand that each of their visions of the end of the world or of history conceals a fear of the future and the unknown.In my opinion, these visions of the end of the world repeat themselves throughout history, appearing and disappearing like mirages in the rear-view mirror of a car.

    Date: November 6, 2006 11:53:27 AM

    Désanges:

    Charge No. 2:
    You, the defendant, are accused in the second instance of celebrating, with this ambiguously critical syncretism, the hybrid, globalized fusion of objects and products from the contemporary world. By so doing, with an inconsistent, fragmented logic, aren’t you highlighting your own professional position? Doesn’t this reveal that your own artistic practice is an indeterminate crossover between the anarchic tradition of the East and Western formal compliance with the dominant aesthetic of the art market? (I’m referring to your video, the post-Minimalist sculpture and the lightbox.)Grounds: Sputnik Black (2006), a reproduction of the famous Russian satellite from the 1950s painted entirely in the black of the German motorcar, the Mercedes-Benz. A symbol of domination of outerspace by the Soviet Union, which burned up when it hit the earth’s atmosphere, customized in the colour of triumphant Western capitalism, alluding to DaimlerChrysler, whose links with the Third Reich are well known.Grounds: Open Source (2006), a sukkah (a hand-crafted hut for the traditional Jewish festival of Sukkot), which was made – at your request – by a typically Czech, non-Jewish family. It’s a cultural hybrid, a penetrable sculpture improbably combining vernacular traditions that are extremely remote from each other. (They are even opposed to each other, when one thinks of the recent resurgence of antisemitic trends in East European countries.)Grounds: Jamming (2006), a mixture of four products (Coca Cola, Nutella, Nescafé, and Heinz Tomato Ketchup), which was then poured back into the original packages, presenting an ideal condiment in a synthetic colour, a fusion of standardized and globalized tastes. Subsequent images were presented in the raw form of billboards in public spaces.Grounds: Lastly, your own multicultural identity because of your Czech origins and your professional development between France and Japan, among other places.

    Date: November 11, 2006 9:36:42 PM

    Vackar:
    Yes, I readily admit that I have absorbed these two influences, but always consciously and critically. Regarding my position as an artist, I think this is an important, rather complicated subject. During my studies, I was much inspired by the conceptual radicalism of Joseph Kosuth, whom I met in Tokyo in 1998. Kosuth, in my opinion, one of the most influential conceptual artists, considers art the continuation of philosophy. In his essay ‘Art after Philosophy’, he draws an important distinction between intellectual art and visual art, between function and morphology. Since the publication of the essay in 1969, the reality of the outside world has invaded the domain of art. It has influenced and profoundly transformed art at the level of economics, politics, society, and history. Just as the most ‘evolved’ political systems in Europe today are a fusion of Communism and capitalism, art has become a fusion of formalism and conceptuality.In Kosuth’s day, the artistic milieu was a world apart, dedicated to a small group of interested parties. Kosuth explains in his essay that one can understand a work of art as a proposition presented in the context of art, as a commentary on art itself.But today we can no longer allow ourselves such questions. Art does not go unnoticed in society anymore. It’s thanks to the art market and financing from outside that art has evolved so much, and must subsequently redefine its place in society. With the political changes in my native country, I realized that as an artist I should take a different position from the one I held before, and defend a larger vision of art, one which would interact more with society.In my opinion, artists should seek out society and provoke it, implicate themselves in this complex reality, and defend the role and position of art in society at large. (This is what is happening in Eastern Europe where, in the absence of institutions and art centres, artists have to defend art. And this is what constitutes their existence.) For me, the role of the artist is close to that of the aimless anarchist. Furthermore, artists must absorb and recycle reality and references. They must act, show, intervene and integrate the diversity of phenomena existing in their work.I think my generation is living in the era of the democratization of art, which – owing to the art market – is opening itself up more widely in society. Art belongs to a network of social structures that are interconnected and inseparable from each other. This is the idea that the mathematician and physician, Fritjof Capra, develops in his Web of Life: A New Synthesis of Mind and Matter, which I found fascinating. He argues that the world is not composed primarily of units but rather of networks that join those units together, ‘where everything is linked’. It’s a general revision of contemporary thought according to relative scales, whereby we can define ourselves with regard to the structure that surrounds and influences us: the networks of atoms, family, artists, art, society, the world, the galaxy, and so on.All definitions remain approximate, since they can never be defined in absolute terms. This is why I think that art should in the future play an important role as a guide for society. Because for me, art integrates reason and emotions far more than philosophy and politics can.

    Date: November 21, 2006 12:57:24 AM

    Désanges:

    Charge:
    If I understand right, your position defends a certain relativism that you act upon while at the same time regretting it. It is undeniable, as you say so eloquently yourself, that the art market (and therefore capitalism in art) breaks down barriers between form and concept, abstraction and figuration, the artist and society, the work and its viewers, reason and emotion. Similarly, your works seem to cross transversal borders. They are even ‘transgender’, to use a cultural studies term. They appear nomadic in the way they use neo-liberal prerogatives about the free circulation of goods; Sputnik traversing the galaxy of German industry, the sukkah tradition being observed in the West like a diaspora of merchandise, and the car journey to the end of the world on a dotted line.Nevertheless, Mr Vackar, don’t you think that this Post-Communist idealism is blinding you? Don’t you think that although some borders have been erased, new ones have drawn? Not just between East and West, but also between North and South? Not just geographically but also intellectually and spiritually, and economically as well as politically? Don’t you think that in a discreetly perverse way, art – driven by this new financial capacity – can also classify, limit and exclude? Don’t you think that art – if it should be engaged in reality as you advocate – should denounce these new tensions rather than blindly celebrate a hypothetical reconciliation of opposites?

    Date: November 23, 2006 4:28:20 PM

    Vackar:
    I think I am realistic. I’m aware that new borders have been drawn. In fact, this is what I explore in my video Towards the End. It’s optimism; rather, it’s a simple statement. It’s not a position that I regret, because for me regret is a form of passivity. As for your accusation about my works being ‘transgender’, for me culture belongs to art as much as art belongs to culture. I think this is a necessary and enriching two-way exchange. Besides, I think my optimism actually derives from neo-liberalism, which is very common in Post-Communist countries like the Czech Republic, Slovakia, and Hungary.I think that art should invent new tendencies and influences in the society. I try to discover these influences at both an artistic and social level in a work called Jamming. As I mentioned earlier, I mixed together four international brandname products. Then I got on the Metro in Prague with fake posters of a pseudo-advertisement for these four products displayed in a shop window.The work was inspired by British sociologist Zygmunt Bauman’s Liquid Modernity, which describes a vision of economic change in a system of territorial power with new borders. It’s a fascinating vision. Bauman describes reality as being composed of elements from the Modern and Post-Modern eras, which change identity, creating confusion between old and new interpretations. For me, these ‘components’ are represented by symbols like Coca-Cola, Nutella, Nescafé, and Heinz Tomato Ketchup, which I use in my work. They represent recyclable, unavoidable, and indispensable references.We see a similar situation today in contemporary art, which is recycling motifs from conceptual art of the 1970s. This involves a return to experimental film, performance, text, and discourse, artistic forms embraced by the majority of young artists. I think it’s completely natural to make new things based on old ideas. This is why a nomadic way of life is important to me, because it brings complexity and novelty. I have to create works that are itinerant or that celebrate movement, since they require making the effort to go somewhere and understand a situation. I feel that an artist is obliged to be open and curious about other places, and this should nurture a body of work.In saying that artists should engage with reality, I mean that I am opposed to formalist and purely decorative works of art, which merely express the identity of a piece of merchandise. For me, the worst artworks are those destined from the start to decorate a collector’s house. For instance, works by Martin Boyce and Bernard Frieze, or armchairs by Franz West, which are conceived to decorate a living-room – the true cemetery of art.So I’m not particularly optimistic about the economic system. In my opinion, it plays an ambiguous role. On the one hand, identifying artworks as pieces of merchandise destroys a form of authenticity. On the other hand, ‘democratizing’ art gives it wider visibility and easier circulation. While most artists are aware of this reality, they participate in the market and take the path of making money with their work without considering the impact it could have on their explorations. And I find this worrying.In my sculpture Sputnik Black – which is made from a Sputnik model painted in “Mercedes black’ – I endeavour to play with the errors and contradictions of the art market. I think this sculpture, which was commissioned by an art gallery, encapsulates all the questions raised in Liquid Modernity. The mix and confusion of political status in this piece treats the history of the Mercedes (which had a role in the Nazi regime) like that of Sputnik (a symbol of the success of Communism). Equally, it critiques how the sculpture itself came about owing to the art market.I’m very interested in Hans Haacke’s work, which examines important economic and historical problems, but his method is more immediate, more accessible, easier. Rather than being an art ‘activist’, I am trying to develop a new form of creation, which explores and questions all the complex problems we have mentioned here.

    Date: November 23, 2006 6:57:55 PM

    Désanges:

    Charge:

    Mr Vackar,
    Please do not criticize Franz West or anyone else who isn’t here to defend himself. Furthermore, I hold you responsible for describing Hans Haacke’s work as ‘easy’, because apparent ease and immediacy in art often belie great complexities in terms of identity and how art is received. I would remind the court of Esther Ferrer’s saying, which I adhere to myself: ‘The simpler you are, and the more you say what you think in the simplest way, the harder it is for others to accept you.’ But that’s not my point.Charge No. 3You are accused, in the third instance, of pursuing a slightly ironic aestheticization of reality, subversively bending certain historical motifs out of artistic necessity, side-stepping their inherent, fundamental energy and political meaning. This was evinced by how you employed the expression’aimless anarchism’.Grounds: By presenting your Sukkah as an object exhibited in an art space, accompanied by a practical demonstration of its manufacturing process – a bit like Robert Morris’s Box with the Sound of its Own Making – you have transformed a sacred symbol into something purely sculptural, hand-crafted and secular. The original, allegorical meaning has been removed.Grounds: You operate in the same spirit by transforming a minute of silence into a performance at the heart of an artistic institution. It is a dominating action without an aim, a celebratory gesture that has become intransitive.Grounds: Sputnik Black highlights a formal coincidence between industrial design and the Soviet empire. A minimal, sculptural, rather seductive form, it contributes – almost in a sense opposite to a futuristic ideal – to bringing forms of technological progress into the passivity or immobility of the art world.Grounds: During Pawel Althamer’s group exhibition at the Centre Pompidou you chose to present a work of shadow theatre about manual labourers, proposing a stylized, almost eroticized projection of a labour-intensive activity.

    Date: November 24, 2006 4:27:12 PM

    Vackar:
    I don’t entirely agree with you. I don’t see what you mean by a ‘slightly ironic aestheticization’. I make my works with sincerity and engagement, without regret. Making art is a necessity for me, and my works have always had a raison d’être. If there is any irony in my work it is purely accidental.I think this misunderstanding is due to cultural differences between you and me. I will give you an example: when I was a child, my friends and I interpreted freedom and democracy as a chance to drink Coca-Cola and eat hamburgers at McDonald’s in the same way as our parents’ generation ardently desired freedom of speech and the chance to travel. In my work, this reverence for the art market is tempered by cynically denouncing consumer culture and its useless excesses. My work expresses the tension between this new availability and saving money in the Communist era. It’s not irony, but an engaged outlook linked to the context of my country and personal history. In no way is it artificial syncretism.You can see similar influences in the work of other Czech artists of my generation. Many of these artists research and explore the situation and local phenomena with depth. This reflects the same cultural influences as elsewhere in Western Europe, but from another cultural background. So our work prompts different perspectives and possibilities of interpretation. This is why it’s rewarding for other people who were unable to experience such a political transformation.With regard to the eroticism and seduction that you mentioned, that point can be applied to nearly all artworks of any era. Perhaps I have been influenced by a generation of French artists such as Jean-Luc Vilmouth and Ange Leccia and their students, Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno, and Pierre Huyghe. Since I too studied with Vilmouth, I share some of their ideas about the universality of expression. But I don’t share the ‘sensuality’ and ‘seduction’, in their work. For me, seduction and sensuality reveal a sort of hypocrisy, a desperate intention to please. I feel a need to make work that attracts others to view it, but not in this way. The seduction that you find in my work is always intentional and deeply critical, for instance the intentional seduction of the market.

    Date: December 24, 2006 11:47:12 AM

    VERDICT:

    Adam,
    Thank you for your active participation in this challenging role-play. I find your answers evidence of the energy of your work, a profound reflection, a remarkable, affirmative quality, and a capacity for lucidity, which bodes well for the future. For all these reasons, and after much deliberation, you are acquitted. The case is closed.

    The defendant is free to leave the court.

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