Jean Breschand / La papesse Jeanne

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    Pas exactement la première photo des repérages, mais le premier lieu visité aux environs de Corte. La première fois où je me suis posé la question de faire le film en Corse. Peu d’arbres structurent les plans dans le film, mais je me suis beaucoup appuyé sur des lieux architecturés par des arbres.

    Au détour d’un chemin escarpé, le tronc d’un arbuste déplumé sert de poignée aux marcheurs. Au contact des mains, le bois s’est poli et ciré. Avec sa peau ridée, on reconnaît un esprit de la forêt. Jeanne vit dans un monde matériel, à portée de main, habité de créatures muettes.

    Par deux fois, le visage de Jeanne m’est apparu. La première fois, près du site paléolithique de Cauria. A l’abri des rochers, près des restes d’un feu, il y avait ce portrait dessiné à la pointe d’un charbon. J’ai longtemps rêvé tourner une scène avec Jeanne milieu des menhirs.

    La seconde fois, ce fut dans le couvent abandonné de Morsiglia, en haut du cap. Pour pénétrer à l’intérieur, il fallait faire le mur. Au premier étage, au fond d’une pièce, attendait cette sirène. C’est dans ce couvent que Jeanne se réfugie au début du film et se fait copiste.

    Repérer, se repérer, préparer l’économie logistique du tournage.

    A quelques kilomètres de Cauria (près de Sartène), une chapelle se dresse au milieu des champs. Proportions idéales, motifs byzantins. Ce fut compliqué de rencontrer le propriétaire. Il était d’accord. Restait un gros travail d’aménagement intérieur. Mais le regroupement du tournage au nord, dans le triangle Corte-Calvi-Morsiglia, a également eu raison de ce décor.

    Plusieurs mois plus tard, une jeune femme assise sous un arbre penché. Il ne faut pas piétiner les herbes folles. Une douzaine de personnes dessinent autour d’elle une ellipse. La répartition de l’équipe est harmonieuse. Il y a un plaisir à voir un espace surgir de la seule disposition des corps et des appareils.

    Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec cette phrase, mais elle sonne bien. Elle est lancée contre le mur d’un ancien baraquement de la légion, une ancienne prison qui sert désormais à l’exercice des pompiers. La chapelle qui a servi à la chambre du pape se trouve à côté. A deux pas du sous-bois avec lequel s’ouvre le film – où l’on a fait venir un cochon noir. Les films sont faits de rêves, les images en sont la trace.

    Jeanne, définitivement Agathe.

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