par Corinne Gambi [1998]
Le projet global Marco s’articule autour du tournage d’un film 16 mm. Il constitue un ensemble en développement de cinéma, de photographies, de diaporamas, d’affiches qui contribuent à l’élaboration d’une fiction. La configuration spatiale de l’ensemble est variable selon
les conditions de présentation.
Réaliser une partie de Marco implique toujours d’être quelque
part, y rencontrer des gens, voir des films qui ont un lien avec
cette situation ou se souvenir de ceux que l’on connaît déjà,
choisir des scènes, et les monter ensemble en tenant compte au fur
et à mesure de ce qui précède. Marco Gallo joue dans toutes les
séquences. Il voyage pour l’occasion, fait l’expérience de
l’hospitalité. Il joue, mais il fait aussi des photos. Comme tout le
monde.
Le projet commence à l’occasion d’une exposition à
Dusseldorf en 1995. Le rôle-titre est donné à Marco Gallo, ami
d’adolescence de Rainer Oldendorf. Il n’est pas acteur. Personne
ne l’est. Au hasard des rencontres, un groupe de personnes
intéressées par le projet se constitue sur place. Ils jouent dans le
film, le tournage a lieu dans leurs appartements ou dans les
endroits qu’ils fréquentent.
Le scénario est écrit à partir de fragments de “La troisième
génération” de R. W. Fassbinder, un film qui a conforté la
conscience politique de Rainer Oldendorf adolescent. Il était alors
membre d’un cinéma indépendant appelé “Free cinema”, la référence au mouvement anglais étant une coïncidence par la suite
revendiquée. Cette première partie du film est celle des origines.
Marco 2 est tourné à Lyon, Marco 3 à Tel Aviv, Marco 4 à New
York, Marco 5 à Paris au gré des invitations à exposer. Aucune
destination n’est préméditée, elles sont toujours accidentelles.
La situation particulière du lieu, du pays, est abordée au
travers de sa propre image cinématographique. La recherche et le
visionnage des films ne répondent pas à une volonté d’exhaustivité
ou à un rapport cinéphilique au cinéma. Les films regardés tiennent pour beaucoup aux contraintes (sous-titrages, vidéos
disponibles), aux rencontres (films conseillés), aux hasards des
programmations. Le choix des scènes peut parfois sembler
dérisoire, il se fait aussi bien sur des motifs récurrents, des
identifications, des rapports à des événements récents que sur un
mode plus affectif et immédiat.
De Marco 1 à Marco 5, le collage des morceaux choisis évolue
vers des imbrications plus étroites. De plus en plus les scènes de
Marco sont formées d’éléments hétérogènes et s’éloignent de leur source. Un personnage peut se scinder en plusieurs paroles et la
redistribution sexuelle des rôles ne pas être fidèle. Les acteurs se
retrouvent cependant dans un langage et des références qui leur
sont déjà familiers. Ils ont la plus grande liberté pour traduire le
texte dans les mots qui sont les leurs. Il est question de portrait.
De mots écrits, il est aussi beaucoup question. À chaque
nouvelle séquence, les parties précédentes du film sont sous-titrées
dans la langue de cette dernière. Selon les pays, parties sous-titrées
ou non viennent rythmer le film différemment.
La fin n’est pas programmée. Le film continue, à Bilbao bientôt, au Japon ensuite en tenant compte des recoupements et
des croisements imprévus qui rendent à chaque instant toutes les
directions possibles.
Corinne Gambi
Directrice d’Art 3 (Art contemporain : résidences/production/diffusion) à Valence et entre autre coscénariste du film Marco.