Christelle LheureuxLa Fabrique des films

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Projet

Le Vent des ombres

Grotte - Chrtistelle Lheureux

Un soir, dans une vieille maison corse, Léna, Manuel et Anna jouent à cache-cache avec Myrtille, la fille de Léna. C’est la maison d’Aurora, qui vient de mourir. Manuel est son fils. Léna est la petite amie de Tim, son autre fils mort de noyade trois ans plus tôt en Thaïlande. Anna est la sœur d’Aurora. Ils viennent de se retrouver pour faire des petits travaux dans la maison et la vendre. Lors de ce jeu, Léna retrouve le fantôme de Tim. Ce n’est pas la première fois.

Nous découvrons par bribes les vacances de Léna et Tim passées en Thaïlande avec des amis thaïs. Un spectacle de théâtre d’ombres, une visite au temple, un après-midi à la plage et une nuit dans un bungalow. Nous faisons aussi l’expérience des retrouvailles irréelles de Léna et Tim dans la maison corse, jusqu’à une grotte marine proche.

Chacun tente de s’accorder aux évènements. Manuel fait des projets que la vente de la maison rendra possible. Dans le village, Anna retrouve un pêcheur qu’elle a toujours aimé. Léna et le fantôme de Tim sentent que le moment est venu de se quitter. Mais Léna perd son ombre. Le climat et le temps se dérèglent. Myrtille rencontre un gecko bavard. Un caillou mystérieux apparaît dans le jardin…

C’est un film drôle et mélancolique où l’on fait l’expérience du deuil d’un amour, de la naissance d’un autre et des limites fragiles entre le réel et l’imaginaire. Les personnages explorent leur relation au temps et à ce que pourrait bien vouloir dire être présent au monde, ici et maintenant.

Tout comme le monde s’offre à nous, nous ne percevons que des fragments de la vie des personnages. Ces instants atmosphériques, associés les uns aux autres suggèrent le récit. Ils jouent singulièrement avec la mémoire. Celle des personnages, mais aussi la nôtre. Ces réalités et ces temporalités, entrelacées les unes aux autres, affectent et reflètent le trouble intérieur des personnages.

02-geckoLe film joue avec le pouvoir spectral du cinéma. Ce qui a été continue de vivre par l’expérience que fait le spectateur d’actualiser cette mémoire dans le présent. Ici, la vie, les souvenirs de la vie et la vie après la vie avancent ensemble. C’est un film sans nostalgie, où les présences fantastiques côtoient joyeusement les présences réelles et documentaires. Dans le même esprit, le film associera des comédiens connus et des personnes locales.

Avant, je tournais des images et des sons pour écrire mes films au montage. Pour ce projet de long-métrage, je travaille le récit en passant uniquement par les mots. J’utilise un logiciel de scénario qui me permet de conserver dans un même dossier chaque version de scène, une foule d’images, de repérages, de notes, d’extraits sonores, de fiches de personnages, de liens trouvés sur Internet… C’est un paysage à part entière, caché, qui entoure l’histoire du film et lui préexiste. Ce paysage très dense est bien plus volumineux que le scénario, dont la dernière version fait à peine 100 pages.

Je crois que j’écris comme j’ai pu monter mes films. Je garde toutes les étapes des scènes comme je gardais les étapes de montages. J’en conserve les versions mais je ne les relis jamais. Je sais qu’elles sont là, ça me suffit pour avancer. De la même façon, j’utilise ce logiciel d’écriture comme un logiciel de montage en déplaçant des scènes dans la chronologie du film comme on le ferait avec des rushes en montage. La structure de ce film s’y prête particulièrement puisque le récit fonctionne par associations. Bien sûr, ce n’est pas aussi simple que ça puisque ce film raconte une histoire. Mais le traitement de cette histoire appelle des déplacements de scènes dans une logique d’association libre. Aujourd’hui, le scénario ressemble à un ours. Un ours un peu bavard puisque toutes les scènes sont dialoguées. Un premier bout à bout à préciser. La majeure partie du film se déroule en France, l’autre en Thaïlande. Voici une des scènes du début du film.

Le vent des ombres, document de travailScène 10. Thaïlande, extérieur, nuit. (version fév. 2012)

Il fait nuit. Le climat est chaud et humide. C’est la saison des pluies.
Dans un champ, une scène de théâtre d’ombres itinérant est installée. Le spectacle a déjà commencé. Assis en tailleur dans l’herbe, une vingtaine de villageois regardent la pièce et interagissent avec elle. Ils écoutent, rient, se jettent des coups d’œil. Léna est assise à côté de Tim. Ses cheveux sont courts, elle semble plus jeune. Tim a le même visage et le même âge que dans les scènes précédentes. Ils sont accompagnés de deux amis thaïlandais. Tong, la trentaine, est assis à côté de Tim. Jen, un peu plus âgée, est assise près de Léna. Elle a une jambe paralysée. Un peu plus loin, des buffles broutent dans le champ.

Derrière le drap blanc tendu en guise de scène, le conteur agite la marionnette d’une jeune femme en chantant dans le dialecte du sud. Elle est représentée par une silhouette en carton aux contours minutieusement découpés, montée sur un bâton. Le conteur a la cinquantaine. Il est accompagné à la guitare sèche par Goh, la trentaine, un ami de Léna et Tim. Goh échange des regards complices avec le conteur. Ils semblent prendre beaucoup de plaisir à raconter cette histoire ensemble, cachés derrière le drap blanc. Le conteur allonge la marionnette de la jeune femme sur une natte à l’écran. Tout en continuant de chanter, il saisit la marionnette d’un tigre qu’il approche près de la jeune femme endormie. Jen traduit discrètement les paroles du conteur à Léna et Tim.

Jen (dans un anglais approximatif) : C’est l’histoire d’une jeune femme malade. Elle vomit des boules de neige, alitée dans sa chambre. Son mari est mort dans un container frigorifique. Depuis, elle vit avec un tigre. L’animal sauvage la soigne, mais l’état de la jeune femme se dégrade.

Sur l’écran blanc, le tigre met la jeune femme sur son dos et sort de l’écran par la droite. La mélodie de la guitare devient plus calme. Le conteur chante d’une voix plus douce. Les silhouettes d’un homme et d’un lit apparaissent alors sur l’écran. L’homme s’agite autour du lit, accompagné d’une nouvelle mélodie de Goh et d’un commentaire du conteur. Le tigre portant la jeune femme sur son dos apparaît à la gauche de l’écran. Il marche vers l’homme et pose la jeune femme sur le lit.

Jen (dans un anglais approximatif) : Un jour, le tigre emmène la jeune femme à l’hôpital. Elle y rencontre un médecin qui ressemble étrangement à son mari décédé. La jeune femme est troublée par cette ressemblance.

Le médecin et la jeune femme se regardent et s’agitent sur l’écran. Le conteur entame un nouveau chant.

Jen (dans un anglais approximatif) : C’est bizarre. Je n’arrive pas à comprendre si le médecin c’est son mari mort qui revient ou si c’est juste un homme qui lui ressemble.

Léna, Tim et les deux amis thaïs regardent la pièce pour essayer de comprendre ce qu’il se passe entre la jeune femme et le médecin qui ressemble à son ancien mari. Nous suivons maintenant la pièce sans la traduction de Jen. La guitare de Goh et la voix du conteur deviennent plus lyriques.

 

 

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