L’œil sa muse – Notes sur le cinéma d’Érik Bullot

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    par Jacques Aumont [2006]

    1. Le documentaire perverti
    Si le cinématographe est l’invention qui a permis de voir le monde, d’y mouvoir un œil interminable, insatiable et indifférent, il en a retenu quelques devoirs – au premier chef, celui de montrer ce monde enfin visible où il se promène. “ Voir et montrer le monde ”, comme dans la phrase de Vertov qui en avait fait un mot d’ordre, un slogan et un programme. Ce qui est vu doit être montré – au sens d’une prescription morale, d’une obligation politique, et d’une nécessité ontologique à la fois. On ne peut pas garder le visible par devers soi ; si on a le don de voir, il faut partager : par un vieux réflexe communautaire, plus ancien même que les religions, par un souci de changer le monde, mais aussi, parce que montrer est la preuve que l’on a vu. Voir, voir vraiment, c’est déjà engager avec le visible un rapport de l’ordre de la monstration : analyse, jugement, sélection, mise en ordre – au fond : montage. Le cinématographe, dans son idéologie native, menait à cette constatation apodictique (quoique rarement soulignée, ayant toujours paru trop évidente) que ce qui est montré doit avoir été vu, irréfutablement.

    C’est cela même que le cinéma d’Érik Bullot s’attache à contester. Non pas qu’il fabrique des images irréalistes, qu’il truque ou qu’il invente absolument, comme les magiciens et les graphistes. Ses images sont, à cent pour cent, de la photographie, de la trace, de l’indice peircien : ce que nous voyons, il l’a vu, de la même façon, sous le même angle et la même lumière, dans la même durée non altérée, avec les mêmes couleurs, les mêmes reflets, avec le même mouvement ou la même immobilité, et sous un identique jeu de présence. Ce que l’on voit dans ces films est présenté, dargestellt : c’est là parce que cela a été là ; dans cette présentation, il n’entre que peu du geste de la monstration, et toujours, discrètement. Mais “ montrer ”, en cinéma, n’est pas seulement le geste plus ou moins démonstratif du voilà, du c’est-ainsi. Montrer, c’est toujours plus et autre chose que le simple geste du dévoilement ou de la présentation : puisque, selon le jeu de mot inévitable et inépuisable, montrer c’est monter, il y a toujours du sens dans la présentation par le cinéma – toujours du sens, donc toujours de la représentation.

    Je disais : le cinéma d’Érik Bullot montre ce qu’il n’a pas vu. Je veux dire : il montre ce que l’œil ni l’optique ne peuvent voir, physiquement voir. Au plus simple (au plus simplement exprimable ou descriptible – car par ailleurs il n’y a jamais rien là que d’assez complexe), c’est l’idée du cinématographe comme machine à montrer l’invisible, ce dont on est sûr que personne ne l’a vu de ses yeux vu. Il est beaucoup de variantes de l’invisible, mais Bullot en cultive une par-dessus toutes les autres : celle qui naît de l’intervalle (en un sens, de prime abord, vertovien lui aussi), de la distance entre deux phénomènes. Distance spatiale, parfois (mais jamais directement montrée, au mieux, suggérée, comme dans Séchage, qui rend intuitivement perceptible une distance imprécisée). Distance temporelle, plus souvent, étendue de temps entre deux moments, comme, exemplairement et par principe, dans les deux chapitres du journal filmé (le Calcul du sujet, Oh oh oh !). Distance musicale enfin, selon le calcul mystérieux des puissances, des forces et des qualités que Vertov a imaginé, et que Bullot, spontanément ou très consciemment, a mis en œuvre. Pour faire surgir – et faire voir – un intervalle entre les choses, il faut les filmer de manière qu’elles échappent autant que faire se peut à la mise en scène, qu’elles ne commencent pas à raconter une histoire. Il faut les filmer pour elles-mêmes, et je dirais : avec elles-mêmes, en elles-mêmes. Montrer n’est pas adopter un point de vue sur des choses – toupies, verres, balles, manèges –, des phénomènes – foudre, énergie, tourbillons – ou des événements – la rencontre, la migration, la promenade orientée. Montrer est un mouvement en soi, non asservi ou non entièrement asservi à une conscience, et qui rende compte d’une dynamique des choses, des phénomènes et des événements.

    L’invisible comme intervalle, ce sera par exemple “ la rencontre sur une table de montage d’un duel d’escrime et d’un feu d’artifice ” (l’Ébranlement). La formule, due à l’auteur, tire du côté du hasard concerté et cultivé des surréalistes, et sans doute il y a de cela (aussi bien, dès qu’on tente de montrer réalistement la réalité sans adopter un point de vue dramatique, est-on voué à frôler le surréalisme – je vais y revenir). Elle ne rend pas tout à fait justice au film cependant, qui n’est pas, ou pas uniquement, consacré à une des innombrables manifestations de l’aile du bizarre, et ne laisse pas seulement, comme le parapluie et la machine à coudre, le spectateur à ses associations propres, ou à son éternelle et indéfectible perplexité. Ici, le spectateur peut bien être dérouté – un moment –, mais il y a quelque chose, et quelque chose de précis, qui se construit et se propose. Quoi ? un incorporel : l’ébranlement (tiens, c’est le titre du film !). Ou plus exactement (car l’ébranlement touche au corps, bien sûr), un invisible par nature. Pas de discipline plus énigmatique pour le profane que l’escrime. L’assaut, pour l’œil innocent, est une suite apparente de gestes absurdes, dont l’efficace n’est jamais perçu – jusqu’à ce que soudain les lutteurs (ou, à la télévision et dans les reportages sportifs, un arbitre) déclarent qu’il y a eu “ touche ”. Pour le praticien et le professionnel, il n’y a pas de doute ; pour vous ou moi, il n’y a qu’ambiguïté : la touche est visible, mais à condition d’avoir l’œil éduqué à cela. Le film de Bullot ne se soucie pas de didactisme, et après l’avoir vu vous ne saurez pas davantage repérer les touches. Mais elles auront été présentées, comme un invisible dans le visible, par le jaillissement des fusées, ébranlées par la touche, par l’acte d’escrime et son énergie latente.
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    Séchage. Une performance en temps réel : document, documentaire avant toute autre chose. Un artiste peintre se fait verser par un assistant, dans les deux mains réunies en coupe, le contenu de tubes de couleur pressés. Les pâtes se mélangent, plus ou moins (de moins en moins, à mesure que monte cette espèce de sculpture instantanée et spontanée). Si on laisse sécher suffisamment, cela fera un bloc de couleurs mêlées, une œuvre si l’on veut. Le film n’interdit pas de penser cela, mais il dit autre chose : que l’œuvre, ce n’est pas ce bloc de couleurs, mais le long trajet qui va de l’atelier de l’artiste, au Can Basuny d’Olsinelles, jusqu’au musée de Sant Pol de Mar. À travers sentes et bosquets, Perejaume, au nom qui fleure la sardane et le banyuls, descend, descend, interminablement, mains toujours portées devant soi, en coupe d’une libation chromatique. Passe-t-il une fontaine (merveille de l’eau fraîche en cet avril catalan) ? il a soif, mais ne peut tendre ses mains en coupe sous l’eau, elles portent cet objet, cette chose, cet être ou cet innommable : il lui faut mettre la bouche directement. Est-il fatigué ? il n’a pas le droit d’ouvrir les mains, de les dissocier : il peut au plus les reposer ; un plan les filme, espèce de nid chaud et vivant dont la couvée tarde à éclore. Parvenu au musée – miraculeusement accueillant, offrant sous les espèces d’une petite tablette vide comme la chute prévue et imprévue de ce qui a été récit malgré tout – il recouvrera l’usage des mains, pour arranger l’œuvre sur son support, pour la présenter, pour la tenir. Le dernier plan coupe, exprès, sur le bloc séché mais trop rond pour rester en équilibre, et que le peintre ne peut lâcher. Le film dure une dizaine de minutes, mais la promenade calculée du sécheur n’a pas de durée documentée : celle-ci est laissée à votre imagination, comme le sort définitif de la sculpture obtenue, qui porte en elle l’air, les pas, la tension du corps, et la durée qui l’a faite.

    1bis. L’exotisme : qui est l’exote ?
    Voir ce qui ne se voit pas : le contraire de ce que nous faisons, spontanément et de plus en plus (thème de la “ société du spectacle ”). Le spectateur, le touriste qui en est la forme exacerbée et de plus en plus universelle, ne veulent et ne savent voir que ce qui se voit, c’est-à-dire ce qui a été vu une fois pour toutes (et ne peut donc plus se voir que selon cette vue “ pour toutes ”). Plus de voyageurs, plus aucun Wanderer suivant sans propos la ligne de partage des eaux d’un continent – que des touristes, partout, devant la Tour Eiffel ou la source de la Loire. Il n’y a plus dans le voyage que la sensation photographiable, rapportée à la menue monnaie du spectaculaire.

    Sur ce terrain l’entreprise de Bullot devient manifeste. Soit le nommé Blaise Michel, parti en Orient au milieu du dix-neuvième siècle ; devenu haut fonctionnaire du gouvernement turc (!), il se rebaptise – si l’on ose dire – Michel Pacha. Il fait fortune, assez pour revenir construire, dans la baie de Toulon, une “ folie ” qui se souvient de Constantinople et du Bosphore. C’est le point de départ du Manteau de Michel Pacha, et on est, avec cette histoire vraie qui possède tant de traits fictionnels (ou l’inverse), dans l’univers de l’orientalisme, c’est-à-dire dans un monde dont on attend avant tout certains effets, chatoyants, un peu kitsch – disons, un monde à la Pierre Loti. Le film est un manifeste parce que, ayant choisi ce personnage et ce destin si marqués, il n’a de cesse de fuir le pierre-lotisme, de l’inverser, de le bannir.

    Michel Pacha avait décidé que la baie de Toulon ressemblait au Bosphore, et c’est pour créer un petit Bosphore qu’il avait entrepris ses constructions. Pour lui, Toulon pouvait s’habiller en Istanbul – se déguiser en Constantinople (comme, ailleurs dans l’œuvre de Bullot, des Romains d’occasion s’étaient déguisés en Chinois). Faire de la baie de Toulon – qui ne ressemble au Bosphore que dans une certaine imagination, et nullement d’après la géographie – une petite baie de Constantinople, c’est donner corps à une intuition, à un sentiment, et rapporter imaginairement l’Orient “ chez nous ”, quitte à l’acclimater et à le déformer au passage (qui s’en rendra compte ?). Le film démarre vraiment lorsque le cinéaste, ayant établi ces prémisses, décide de prendre ses valises et d’aller sur place voir l’Orient, la Turquie, le Bosphore, Istanbul, Constantinople (il se trouve qu’il connaissait déjà, mais n’importe). Tout un bazar pittoresque et touristique s’offre à lui – qu’il évite de filmer autant qu’il peut. (Difficultés sans nombre de cet évitement, le pittoresque ne cesse de faire retour – porteurs de ballons de baudruche, manège de luna-park à la figure de géante, petits métiers et coins de rue, architecture et urbanisme.) Au lieu de cela il traque des modèles, qu’il filmera souriant, regardant la caméra, immobiles. Des Turcs, qu’il aurait pu filmer tout près de chez lui (il n’en manque pas à Paris), et dont seule peut-être la lumière – y compris certaine lumière innocente du sourire que n’ont plus les exilés – dit que ce n’est pas le cas. Et puis, le film glisse, déraille de manière contrôlée, quitte les rails du diptyque, s’engage dans une voie imprévue. À la Turquie soudain s’ajoute ou se substitue (on n’est pas très certain) l’Algérie. Une autre idée de l’exotisme, de la Méditerranée – dont l’Histoire ne peut s’évacuer aussi aisément. Un Français curieux et amateur d’Orient pouvait il y a un siècle se satisfaire de le plagier sommairement dans son cadre de vie. Aujourd’hui, c’est l’Oriental (fût-il du sud comme l’Algérien) qui vient à nous et apporte un peu de sa vie et de son histoire. À un fantasme du voir, du rendre-visible a succédé un savoir de l’invisibilité de certaines choses, parmi les plus profondes.

    Le jardin chinois proposé par Érik Bullot n’est pas en Chine. Il n’est pas non plus à Rome, où a été tourné le film. Il n’est, à proprement parler, nulle part, sinon dans une espèce de “ chambre des intervalles ” qui ferait communiquer la bambouseraie miniature de la Villa Médicis, un dragon de papier que l’on peint, un faux mandarin que précède, en plein jour, un serviteur portant une lanterne, et bien sûr une allusive cérémonie du thé.

    Le Jardin chinois ne cherche pas à imiter un jardin chinois, des Chinois, mais à les signifier. L’étrangeté du film – constitutive du style Bullot – est qu’il ne cesse de dévoiler sa fausseté, de “ mettre à nu le procédé ”, un peu comme chez Brecht auquel on ne peut se retenir de penser (ou chez le Barthes de l’Empire des signes). À la fin du film, une superlative mise à nu du procédé fait sortir de l’espace du jeu – de la fiction – une des figures (incarnée par Danielle Shirman) ; elle prend un tramway romain typique, on la voit traverser des quartiers sans qualités, visage neutre, obtus, débarrassée de la Chine. Seul le vêtement la signifie encore, résiduellement. L’exotisme, c’est en fin de compte cela, cette défroque dérisoire.

    2. L’encyclopédisme
    Le Manteau de Michel Pacha cherchait, au fond, à renverser la question de Montesquieu. “ Comment peut-on ne pas être turc ? ” Sous Bormes-les-Mimosas il doit bien y avoir une équivalent d’Ankara, et dans chaque citoyen français un Turc, voire un Algérien qui sommeille. L’ironie de cette position est sensible (et lui évite opportunément la glu du politiquement correct) – ou, mieux peut-être qu’ironie, il faudrait trouver un équivalent exact du tongue-in-cheek anglo-saxon, qui me semble être présent dans tous les films de Bullot (films intimes compris). Cette espèce d’ironie ou de distance amusée n’a rien à voir, bien entendu, avec le moindre mépris, au contraire. Dans la diversité encyclopédique (au moins virtuellement) des sujets de ses films, je vois quelque chose comme l’esquisse d’une science un peu folle, qui s’emballerait autour de classèmes, de types, de genres, et serait faite pour aboutir à un catalogue – non pas un catalogue des sciences inexactes comme chez Queneau (auquel bien sûr on peut souvent penser), mais une encyclopédie des sciences approximatives (qui ferait cette fois plutôt évoquer un ton à la Paulhan).

    “ Attraction universelle ” est un terme du dix-huitième siècle, pour désigner la loi de gravitation découverte par Newton. On n’appelle plus cela comme ça aujourd’hui, et du coup, cette appellation ancienne est libre de résonner avec toutes ses nuances, dans une liberté sémantique dont Bullot est trop content de faire son miel. Les planètes s’attirent, par conséquent elles tournent (sur elles-mêmes, autour des autres) : l’attraction universelle ce sera donc le lot non seulement de ce qui tombe – ou se retient de tomber, telle l’équilibriste sur son fil – mais de tout ce qui tourne sur soi-même, une toupie, un gyroscope ou un disque. Dans ce passage du cosmique au ludique – répertoires aussi copieux l’un que l’autre – se lit l’encyclopédisme approximatif. Le “ diabolo ”, ce jouet qui tourne sur lui-même et tombe sur un fil tendu qui le relance, met en jeu la gravitation, mais aussi bien d’autres lois de la dynamique. Quant au disque microsillon, s’il tourne ce n’est pas exactement comme la terre autour du soleil – ou alors, par une métaphore audacieuse.

    Mais, on s’en doute, cela n’est pas tout. L’attraction “ universelle ” l’est encore bien davantage si l’on y inclut, outre la gravitation, les phénomènes électro-magnétiques. L’aimant “ attire ” la limaille (bouffées irrépressibles de souvenirs du lycée, expériences de physique, dans de vieux amphithéâtres du siècle précédent). Et puis, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? “ Prendre au sens littéral la métaphore. Utiliser les leçons de choses et les exemples des livres de sciences physiques comme des modèles (1).” Laisser le mot ajouter ses sens figurés, sans contrainte. Attraction foraine, luna-park, tout ce qui tourne (le manège sans doute stambouliote où les passagers sont sur le bord de la robe d’une géante monstrueuse et débonnaire), mais aussi tout ce qui “ attire ”, comme chez Diderot la peinture est faite pour attirer le spectateur, comme chez Eisenstein le cinéma doit monter des attractions. Et puis, tout au bout, à l’horizon du film, l’attraction comme sentiment causé par ce qui est attirant. Les êtres, eux aussi, ne sont-ils pas universellement attirés par les autres êtres ? Cela est très sensible dans le petit catalogue de photos publié sous le même titre et que je viens de citer : visages, mains, gestes, souvenirs (les étoiles de mer) ; tout un petit monde de sensations, d’affects que je ne connaîtrai jamais, mais dont on m’offre une trace sensible.

    Le Singe de la lumière est le plus sophistiqué de ces films encyclopédiques. Ce titre sibyllin remonte, lui, encore bien en deçà du dix-huitième et des Lumières. Il est repris à l’omnicurieux, sinon omnicompétent Athanase Kircher, inventeur entre autres d’instruments optiques qui figurent dans les généalogies reçues du cinéma, et auteur d’une Ars magna lucis et umbræ qui a fait retour maintes fois chez les historiens des images projetées. Au milieu du dix-septième siècle, ce jésuite propose une théorie du son qui le calque sur la théorie (?) de la lumière, au prétexte que le premier imite, “ singe ” la seconde. (Le plus ironique est que cette analogie, que l’on fonderait aujourd’hui sur leur commune nature ondulatoire, résulte pour lui, faussement, de lois de propagation crues identiques.)

    Il s’agit donc d’un vieux problème, souvent réactivé, sous des formes scientifiques et sous d’autres qui sont esthétiques : quel rapport entre voir et entendre ? La réponse de Kircher – encore un encyclopédiste approximatif – est décevante, par sa trop grande généralité : ils se ressemblent, tout bonnement, parce qu’ils sont l’un et l’autre des aspects ou des sites où se manifestent des lois plus générales de la nature, qui sont en dernier ressort des lois de langage et de signification. Au fond, il est l’un des derniers savants du Moyen ge, égaré après la Renaissance. En revanche, il existe une quantité de réponses, plus modestes et partielles, mais plus suggestives, si l’on sort de la prétention à la science pour se limiter aux sens et à la sensation. C’est le domaine de la synesthésie et des correspondances, cet ensemble flou de phénomènes plus ou moins vagues, dont on n’est toujours pas assuré de pouvoir établir une raison, une rationalité. (Comme par hasard, ce sont presque toujours des amateurs éclectiques, à la science mêlée de on-dit et de légendes, qui s’en sont occupés, voir Faber Birren (2).) Mais à défaut de science, il ne manque pas de réalisations, souvent rangées au rayon des curiosités excentriques, tel le “ clavessin oculaire ” du Père Castel (3), qui avait intéressé les Encyclopédistes (tiens !), et qu’on retrouve au début et à la fin du film de Bullot.

    Le dix-neuvième siècle, qui réalisa aussi un instrumentarium synesthésique copieux et fantaisiste, eut surtout le souci de dégager un destin commun de ces correspondances du son et de la lumière – et ce destin, Zeitgeist oblige, fut unanimement poétique. De Schlegel et Hoffmann à Baudelaire en passant par Balzac et Poe, il se construisit autour d’une équivalence majeure, celle de la musique et de la couleur, équivalence dont l’apothéose se situe autour de 1900, et encore jusqu’à la Grande Guerre. C’est la période glorieuse des synesthésistes, les Kandinsky, les Scriabine, avec leur exceptionnelle capacité psychique et physique de voir les sons et d’entendre les couleurs, dont Eisenstein reprit le mythe dans son texte sur la “ synchronisation des sens ”. Depuis, par une espèce de méfiance postmoderne envers l’idée même de la correspondance (qui semble engager trop lourdement vers un sens unitaire du monde), on les évite plutôt. De Warhol et son Exploding Plastic Inevitable à Xénakis (Polytope de Montréal) et James Turrell (To Be Sung), du disco au clip, les lumières et les sons se dissocient, pour ne plus que s’additionner dans le sensationnel, sans se répondre.

    Bullot connaît cette généalogie de la “ singerie ” de la lumière (la lumière singeant le son, la couleur singeant la musique), dans les arts et à leurs franges. L’habileté de son film, c’est de déplacer fondamentalement la question, pour parler non plus des équivalences sensorielles entre couleur et musique, mais d’une parenté souterraine, principielle et quasi ontologique entre son et lumière. Fantasme de fausse science ou de science fantastique, comme la physique du tournant du vingtième siècle en a produit beaucoup (cf. ce qui s’est métaphorisé à partir de la relativité, chez Epstein par exemple ) : la lumière ce sont des ondulations, le son aussi, “ donc ” ils doivent bien avoir une parenté. Raisonnement par images, comparaisons et métaphores dont on sait le danger, souvent avéré en terrain philosophique. Le film, subtilement, pose les images, suggère les métaphores, autorise les comparaisons – mais se garde bien de prétendre raisonner : il illustre, il catalogue, il recense, il fait défiler. Le son imite-t-il la lumière ? L’enjeu n’est pas de se prononcer sur une question aussi difficile, mais de la poser, ou mieux, de noter qu’elle peut être posée ; ou mieux encore : qu’elle a pu être posée.

    2bis D’un certain rapport au surréalisme
    Ce qui éloigne cette encyclopédie de fantaisie du documentaire, c’est donc l’absence délibérée d’un point de vue affirmé comme tel, et spécialement, d’un commentaire donnant la voix de l’autorité. Les images de Bullot sont généralement discrètes, classiques et modestes, elles n’imposent que rarement leur présence plastique d’images ; les commentaires qui les accompagnent, lorsqu’il y en a, sont neutres, objectifs, parlés par ce qui se donne pour la voix anonyme du savoir universel et, presque, intemporel. L’un des traits les plus remarquables de ce cinéma est cependant la manière dont il force une prééminence du voir sur l’entendre (aux deux sens de ce verbe : ouïr, comprendre).

    Difficile ici de ne pas penser à André Breton, ouvrant le Surréalisme et la Peinture par une affirmation de la suprématie de la vue sur les autres sens. À contre-pente du fétichisme de la musique comme modèle au début du vingtième siècle (et encore dans l’affaire des synesthésies, où c’était toujours la couleur qui copiait la musique(5).) Breton retrouvait la vieille hiérarchie médiévale des cinq sens, où la vue précède l’ouïe. C’est que, justement, pour lui, entendre c’est comprendre – c’est-à-dire que l’entendre nous place sous l’emprise honnie de la réflexion, de la préméditation, quand la vision, au moins en principe, reste indemne de cette maladie. La vision est pure, non infectée des calculs de la “ raison bourgeoise ”. Elle a une force d’immédiateté, de présentation immédiate et convaincante.

    Bullot ne s’est peut-être pas souvenu de ces propositions, mais à coup sûr elles se sont souvenues de lui. Cependant, plutôt que la direction Breton – arrogante et finalement confuse (car Breton cultive la contradiction, défendant tantôt la pure présentation perceptive, à travers laquelle il profile toujours le monde onirique, tantôt la représentation et la “ Beauté convulsive ”) – Bullot suit évidemment la voie Magritte. Les choses sont présentées pour la vue, et celle-ci est bien libre d’en apprécier par elle-même la présence ; on lui donnera, pour cela, tous les aliments visuels qu’il faut : Bullot sait filmer, il ne fait pas de cadres oiseux, sa lumière n’est pas un bavardage, son montage cultive l’économie ; la savante neutralité de ses moyens techniques n’est pas sans analogie avec le pseudo-académisme de la technique magritienne. Et en sourdine, en basse continue ou en contrepoint, la vue est priée de suivre une suggestion existentielle voire essentielle : ce que vous voyez là existe, cela est ; votre vision doit donc s’augmenter d’une croyance.

    On sait que Magritte confiait largement aux titres de ses toiles cette fonction de croyance : c’est le trait le plus évidemment magrittien du cinéma d’Érik Bullot, avec en prime la reprise, la circulation des mêmes titres, pour les recycler autrement, en relancer le sens virtuel, comme chez le peintre. Cartes postales en mouvement : originellement, les vues Lumière ; mais dans le Singe de la lumière, la même expression revient comme sous-titre, pour annoncer d’authentiques cartes postales, authentiquement en mouvement, puisque, gravées d’un microsillon (45 tours/min), on les filme en train de tourner sur le plateau du pick-up. Gadget éphémère des années soixante, qui permettait d’envoyer ses bons baisers de partout avec en prime un des “ tubes ” du moment – écho dérisoire de l’exotisme des opérateurs Lumière. D’ailleurs pas même besoin des titres. Au début de Séchage, sur la vitre du train qui amène le cinéaste en Catalogne, on voit un sigle : une pipe et une cigarette barrées d’une croix rouge. Interdiction de fumer – mais aussi, à cause de cette pipe exotique, “ ceci n’est pas une pipe ” (et accessoirement : “ ceci n’est pas une cigarette, d’ailleurs ”). Allusion délibérée ? hasard du tournage ? Peu importe. Qui flirte avec le réalisme fantastique récolte le surréel.

    (Surréalisme et encyclopédisme, au reste, ont fait bon ménage. Dictionnaires du surréalisme, encyclopédie des marginaux et prédécesseurs ou compagnons de route, anthologie de l’humour noir, et pour boucler le tout cette prescription : “ quand donc tous les livres valables cesseront-ils d’être illustrés de dessins pour ne plus paraître qu’avec des photographies ? (6) ” Les films de Bullot, avec leurs épisodes qui sont des chapitres, sans développement rationnel mais au fort coefficient d’attraction mutuelle ; avec leur logique incongrue qui cultive l’analogie, la métaphore et le coq-à-l’âne contrôlé ; avec les livrets de photographies et de textes qui les accompagnent, les doublent d’autant de variantes – sont des morceaux d’encyclopédie photographique irraisonnée.)

    3. Langages du jeu
    Il y a, entre les films d’Érik Bullot, si divers dans leurs sujets, quelque chose comme un air de famille, appuyé. Normal, pensera-t-on : ce sont des films personnels, ils ne sont dus qu’au désir d’un même individu. En outre, réalisés sur une durée assez brève, selon un projet cohérent, dont témoignent aussi les photos et les textes, ils sont, avec leur rapport à la fois ingénu et sophiste au document et au savoir, autant de facettes d’une même entreprise.

    Je trouve pourtant que cet air de famille excède ce qu’on est en droit d’attendre des enfants d’un même père, ou alors, que la transmission génétique a été plus systématique et plus généreuse que le veulent les lois de l’hérédité. L’impression est frappante lors de projections de ces films à la suite – comme ce fut le cas cette année 2002 au Jeu de Paume. Elle me semble liée par-dessus tout à un trait structurel de ces films : leur amour de la parataxe. Effets d’accumulation, de juxtaposition, de variation : le montage du Singe de la lumière, de l’Attraction universelle, du Jardin chinois (je prends les plus évidents) consiste à enchaîner quelque chose comme des cas, sans que de l’un à l’autre se marque aucun progrès, ni logique, ni narratif, ni autre. Le Glassharmonika, le clavecin, la carte postale avec microsillon incorporé sont certes liés par une même capacité à produire de la musique, mais le raisonnement qui permettrait de tirer une leçon générale de leur confrontation n’est pas tenu. Il y a une série, fondée sur un commun dénominateur, mais dont la teneur, la nature n’est pas donnée. Idem pour les activités des pseudo-Chinois de la Villa Médicis : l’un peint, l’autre se promène, un autre mime une excursion nocturne et poétique pour surprendre sa belle, que sais-je. Bref, le ton Bullot, amusant-amusé. Mais les rapports d’un plan à l’autre doivent être imaginés, à un autre niveau.

    Plus frappant encore – et plus révélateur – l’amplification de cet effet d’un film à l’autre. Renvois, répétitions, croisements, rimes de film à film. Des titres circulent (les “ cartes postales sonores ”), des plans circulent (une attraction du luna-park d’Istanbul, au corps de géante et à la jupe de manège ; une vague californienne se brisant contre la jetée…). En forçant à peine, on pourrait avoir l’illusion d’un seul grand film dont les autres ne seraient que des parties ou des chapitres. Cela colle bien à l’encyclopédisme, fût-il fantaisiste ou précisément parce que fantaisiste. Cela colle bien aussi au magrittisme (on sait la passion du peintre pour les fausses redites). Et surtout, cela définit un ton singulier.

    Je résume. Il ne s’agit pas de raconter une histoire, même lorsque le sujet semble y pousser ou y prêter, même s’il existe quelque chose comme des personnages, comme dans les Noces chymiques ou déjà dans le Jardin chinois. Il ne s’agit pas non plus de réaliser un documentaire, de donner un point de vue informé, suffisamment développé et argumenté, sur un problème ou un phénomène. Pas davantage, de raconter sa vie au petit bonheur de notes de voyage ou de carnets d’images scandant les intérêts du photographe, critique et écrivain Bullot (nonobstant les deux épisodes d’un Journal avoué comme tel, et sur lesquels je reviendrai). Il s’agit bien plutôt, et très évidemment, d’une espèce de jeu : jeu avec la fiction, jeu avec l’idée documentaire, jeu avec l’autofiction et l’autobiographie, jeu avec la transparence indicielle, jeu suprême, avec le montage (obsession du joueur : arranger, réarranger ses cartes, sans fin).

    Le projet n’est pas absolument neuf, évidemment, et on pourrait de ce point de vue lui trouver bien des ancêtres. Celui qu’il me plairait le plus de convoquer serait, je crois, le Calvino de Si par une nuit d’hiver un voyageur, avec son double niveau de fiction – d’un côté la fiction maîtresse, celle du Lecteur qui pérégrine de Livre en Livre, sans jamais parvenir au bout d’aucun (ils s’interrompent tous et le frustrent), de l’autre côté, les amorces de fictions, aussi diverses et inattendues que possible, pourtant souterrainement liées par une lumière ou un sol communs (comme le manifeste ironiquement le fait que leurs titres s’enchaînent pour former un titre géant, ou une phrase, obscure). Séries, variations, fausses parentés et vraies continuations, un jeu sérieux, sans rien d’enfantin sauf la capacité à s’étonner et à prendre plaisir. Simplement, au Lecteur idéal – mon semblable, mon frère, nécessairement un peu hypocrite – du romancier, Bullot substitue, mine de rien, une espèce d’archiviste du visuel, qui serait à la poursuite, non pas de la fiction parfaite ou d’une fiction qui se poursuive, mais du savoir total et totalement fragmentaire.

    Dans les espèces de modes d’emploi de ses œuvres qu’il a publiés ici et là (sous forme de catalogues d’expositions), Bullot donne une clef, transversale : un goût immodéré pour la forme “ 64 propositions sur ” (la Chine, l’attraction universelle, etc.). 64 : autant que de cases au jeu des échecs, qui est tout sauf un jeu. Noir et blanc : les échecs sont une rudimentaire mais universelle métaphore du bien et du mal, de la vie, du double aspect de toutes choses. Les pièces y sont diverses, chacune dotée d’une vraie personnalité – et pourtant, anonymes. On sent que cet anonymat dans la diversité n’est pas antipathique à Bullot.

    3bis Jeux du langage

    Les jeux hantent donc cet univers : ceux des enfants (dont la toupie, devenue le sigle de Bullot, serait l’emblème parfait) et ceux de l’esprit (charade incluse). Mais s’il est un matériau, simple, omniprésent, universel lui aussi, avec lequel il est tentant de jouer, c’est bien le langage, et ici on ne s’en fait pas faute.

    Prenons les titres. Le “ Manteau de Michel Pacha ” n’est pas un manteau. C’est (si je dois en croire le commentaire, peut-être borgésien) un lieu-dit près de Toulon. Une fois terminé le film, qui m’apprend cela (car même si j’étais originaire du Manteau, je n’y aurais sans doute pas pensé spontanément), je lis le titre différemment, quelque chose comme Les Paris de Rastignac ou Le Bordeaux de Montaigne (mes jeux de mots sont un peu plus concertés, un peu moins gratuits que ceux de Bullot). Le langage a été légèrement déstabilisé, désancré de son usage banal. Le manteau de Pacha n’est pas un manteau oriental, mais la vision fantasmatique d’un trou perdu de la province française par un excentrique. J’aime assez à croire que, en intitulant un autre de ses films l’Ébranlement, Bullot a consciemment ou non voulu parler de ce déplacement du langage auquel il affectionne de se livrer. Du “ Manteau ” de Pacha, pourquoi n’aurais-je pas, du coup, le droit de passer au Manteau de Gogol ? d’imaginer un Manteau sans maître ? de songer aux portmanteau words de Lewis Carroll ? bref, de laisser dériver le signifiant – sagement, tout de même, mais longtemps et doucement.

    L’exercice pourrait se poursuivre. Le Calcul du sujet, qui conjoint deux termes à large polysémie (surtout le second), y serait propice, peut-être trop. Je préfère ne pas penser que le sujet en question a des calculs – ne voulant trop évidemment que du bien au jeune Félix ; mais je ne puis me défendre d’un peu de latinisme, appelé par la préciosité de ce titre, et, avec ces petits cailloux, voir en lui une espèce de petit Poucet dont les traces seraient, tout simplement, ces plans qui documentent avec l’opacité de la transparence absolue la naissance, la croissance, la lente maturation d’un “ sujet ” (de droit, d’amour, de la phrase et du film). L’Attraction universelle n’est pas loin d’atteindre à la même capacité de flottement et de dérive (je l’ai déjà noté). La Chine intérieure, avec son faux air de Mongolie extérieure et son allusion patente à Lointain intérieur. Le Jardin chinois (remplacez “ chinois ” par telle épithète que vous voudrez). Et bien sûr, l’Ébranlement, où il faut entendre, étymologiquement là encore, le “ branle ” (-bas de combat, de Bourgogne, voire celui, à la Guyotat et far fetched, de l’“ autre main ”).

    Pour boucler le tout : Ombres chinoises, qui dénude le “ procédé ”, si procédé il y a. Les ombres chinoises ne sont pas davantage chinoises que le jardin chinois ; elles ne sont pas romaines non plus, d’ailleurs, ni originaires du Manteau. Comme “ attraction universelle ” ou “ singe de la lumière ”, il s’agit d’une vieille terminologie, sans doute devenue politiquement incorrecte ou en passe de l’être, et le film avec sa subtile ironie dit ce qu’il faut en croire : les productions de l’ombromane sont des signes, mais elles échouent à faire une langue. Pourquoi ? parce qu’elles ne sont que des analoga, inarticulés – au contraire de ces autres signes, ceux de la “ langue des signes ” qui permet aux muets de “ signer ”. On reconnaît en filigrane une vieille discussion qui a bien occupé les sémiologues du cinéma (puis de la photographie) : langue ou langage ? ou ni l’un ni l’autre ? Signes ou codes ? ou, décidément et exclusivement, meaning in the usage ? Signer, singer : les sourds-muets, en effet, pour parler, imitent, de tout leur corps. Et si le “ singe de la lumière ” était aussi, à rebours, un “ signe de lumière ” ?

    4. Le photographe et ses modèles

    Le portrait que j’esquisse est sans doute trop intellectualisé, l’image, trop sèche. Il est temps de donner un peu de pâte (comme dans Séchage, décidément l’un des plus inspirés de tous ces films, parce qu’il a gardé à sa grande métaphore et aux petites qui la nourrissent et l’irriguent leur plus grande fraîcheur). Faire état de la vibration, optique et pas seulement, qui se propage d’une image à l’autre ; évoquer un sens discret et sensible du passage de la lumière (comme dans ce plan d’Oh oh oh !, mystérieux à force de quotidien – et plus que tous les autres, surréaliste – de l’ombre des sièges du wagon qui longuement, lentement, majestueusement se déplace à mesure que le train tourne).

    Pour quelqu’un qui vise à constituer une encyclopédie, fût-elle des sciences approximatives et poétiques, Bullot accorde énormément d’attention et de soin à la matière dans laquelle il s’exprime. Il y a le plus ostensible, le collectionneur d’images, au sens de la carte postale, de l’illustration. Ce n’est pas hasard, si dans deux versions différentes du texte le Singe de la lumière, on trouve la même citation des fameuses planches de H. A. Zo (pseudonyme de A. Chazeau) pour les Nouvelles Impressions d’Afrique. On sait que ces images avaient été imposées à Roussel par le seul désir que son ouvrage ne parût pas trop mince, et que l’écrivain s’était arrangé pour qu’elles soient imprimées de telle sorte qu’on ne les verrait qu’à condition de couper les pages, alors que la lecture de son texte ne le nécessitait pas… En outre, Zo avait dû les exécuter sans avoir pu lire le texte, à l’aveugle. Qu’est-ce que l’image ainsi produite, sinon une pièce rapportée du sens, un supplément gratuit, arbitraire et inutile ? En faire une référence, pour un manieur d’images, est d’une ironie assez féroce. Mais, même dans les plus encyclopédiques moments de cette encyclopédie en développement, la platitude des images n’est jamais qu’apparente : même les plus neutres ont leur vibration, leur bol d’air frais.

    Récurrence des plans de fleurs, d’arbres, d’herbe foulée. L’enfance de l’art, pas en vain associée à l’enfance tout court, et même, à la petite enfance. Qu’est-ce qui vibre plus immédiatement, plus visiblement qu’une prairie sous le soleil couchant et la légère brise de la Haute-Provence ? Il y a tout un pan de l’entreprise qui déborde la sagesse collectionneuse et le cabinet de curiosités (ou de la curiosité). En même temps, on ne perd jamais de vue le désir de platitude, ou plutôt, d’aplatissement, mais en un sens positif. “ Images aplaties, comme avec un fer à repasser. ” Impossible de ne pas penser à Bresson, à ses consignes de précision, de sobriété et de pudeur. Bullot d’ailleurs le sait bien, qui observe au passage : “ Je préférais, en lieu et place de comédiens, confier l’interprétation à des modèles, parfois grimés et costumés […] ou, le plus souvent, à des personnes en situation de jouer leur propre rôle…(7)” Le modèle bressonnien n’est pas un acteur : il ne joue ni n’exprime rien, il livre une surface à cinématographier, à écrire avec du mouvement et de la lumière ; il est l’équivalent pour l’artiste d’une chose, il en a l’être-là passif. Au reste, le comportement des modèles de Bullot n’est pas le même que chez son grand ancêtre (à tout prendre, on serait plus près par exemple du style de Cavalier, lequel provient lui aussi de Bresson – mais c’est une autre histoire).

    “ Cartes postales en mouvement ” : un film, depuis Lumière auquel Bullot, on le sent, est viscéralement attaché, c’est au départ une vue, à l’arrivée, un cliché. Mais “ cliché ”, avant de désigner l’insupportable stéréotype, le topos ennuyeux, a longtemps voulu dire simplement “ photographie ”. La carte postale en mouvement, c’est ce qui joue à retrouver la vue sous le cliché, et qui, par ce mouvement, pourra atteindre un destinataire. “ Retourner à l’origine, m’y frotter, produire la critique de cette illusion exotique. Faire de cette tension entre l’imagerie et le réel l’objet du film.(8)” Toujours la même obsession : débusquer le jeu dans le langage (ce qui fait qu’il “ joue ”, qu’il déraille, qu’il tourne fou) ; et traquer le cliché dans l’image (ce qui fait qu’elle ment, qu’elle triche, qu’elle ne fait pas droit au monde). Mais le faire sans perdre ce précieux jeu, cette précieuse tricherie, qui sont l’essentiel du cinéma, qui sont le cinéma même.

    Les humains que l’on voit dans ses films sont naturels : ils sont eux-mêmes, qu’ils posent (Michel Pacha) ou ne posent pas (Séchage), voire posent pour avoir l’air de ne pas poser, ou l’inverse, comme dans les deux journaux filmés. Lorsqu’ils doivent devenir des personnages de conte (jamais de roman : la fiction n’est pas un roman dans cet univers), ils posent davantage, bien sûr. Mais jamais de drame. C’est ce qui touche dans les étranges Noces chymiques, dont on sent bien qu’elles ont été faites pour se donner le droit de filmer un couple d’enfants, à l’âge ambigu du premier érotisme différencié. Comme tous les enfants, ceux-ci surjouent ; en même temps, ils se contentent d’être là, de marcher, de dormir, de se livrer aux activités mystérieuses à force d’être simples du quotidien.

    Qui conçoit le cinéma comme art de la figuration d’un modèle selon son être doit nécessairement en arriver à penser au montage comme à une écriture. C’est, encore, la leçon de Bresson, et elle se retrouve, déclinée diversement, chez tous ses grands héritiers, de Straub à Pialat ou Cavalier. La parataxe que cultive Bullot n’a pas d’autre explication : des plans qui se suivent ont nécessairement une relation, qu’il s’agit de découvrir. Dans le plus purement narratif de ses films, Séchage (qui ne fait en principe que raconter une seule grande action), il est loisible de voir la succession des paysages, la descente d’un ermitage d’artiste en montagne jusqu’au petit musée dans un village au bord de la Méditerranée ; mais ce qui compte c’est ce qui fait voir – muettement – la valeur du trésor de peinture transporté, et qui mérite qu’on s’empêche pour lui de boire, de s’éponger le front, de siffloter mains dans les poches. Muettement encore, les deux épisodes de Journal, où les courses du petit bout d’homme, d’abord trébuchantes (“ château branlant ”, comme on disait lorsque j’étais petit), puis assurées, ont en commun de n’aller nulle part, nulle part de discernable ; c’est donc que, là encore, ce n’est pas le récit qui domine (que dirait-il, d’ailleurs, sinon banalement le passage du temps ?), mais la suite des actions prenant à travers le montage d’images aplaties un sens opaque, inattendu. Et, inattendue aussi, la suite des affects.

    4bis Le cinéma comme modèle du cinéma
    Dans ses notes de travail sur le Manteau, Érik Bullot observe en partant pour Istanbul que “ le théâtre de Michel Pacha [lui] offrait le soupçon d’une forme cinématographique possible.(9)” À coup sûr, réfléchir sur la loi de la gravitation, sur l’ombromanie, sur la relation de similitude fantastique entre son et image, mettre en scène quelques figures alchimiques a été pareillement l’occasion de chercher une forme (cinématographique) possible. De même, et davantage encore, filmer l’enfance de son enfant, l’avènement d’un sujet au sens et à la culture, les atmosphères familières (la maison de famille) ou exotiques (les Baléares, la Californie, l’Italie) qu’il traverse, cela n’a de sens qu’à chercher une forme.

    Bullot est un grand connaisseur et amateur de cinéma d’avant-garde (et aussi de ce cinéma poétique et personnel pour lequel il n’existe pas de nom, et qu’il vaut mieux ne pas appeler “ expérimental ”). Ses articles, ses conférences reviennent sur Chaplin et Lumière, sur Keaton et Vertov – avérant un tropisme pour l’orthochromatique en même temps que pour un certain cinéma de la fascination du mouvement. Tout cela n’est pas inattendu de la part d’un photographe, qui estime à sa juste valeur la matière de l’image argentique, et de la part d’un cinéaste forcément postmoderne, qui sait que le cinéma s’est toujours défini – quelque contradictoires qu’aient été ses définitions – par rapport au mouvement. Le cinéma de Bullot semble cultiver le mouvement pauvre (comme on dit “ art pauvre ”). Plans souvent fixes, ou alors, immenses marches caméra au poing (démonstrativement, pour accompagner les premiers pas de bébé, et les suivants).

    Comment imaginer la conciliation entre cette pratique et ce goût ? entre des films sobres, confiant beaucoup à un commentaire verbal au moins implicite, et les burlesques ou les explorateurs du monde ? Je ne vois pas de meilleure réponse que celle qu’a suggérée Bullot lui-même, dans la brillante intervention qu’il a offerte autour de ce qu’il appelle le “ pas ”. “ Le pas définit la relation entre le corps et l’intervalle.(10)” Par cette formule remarquablement synthétique, s’évoque en creux (la conférence était consacrée à d’autres films que les siens) une efficace explication de l’énigme de ce cinéma, attaché également au tout concret (le corps, ses mouvements, une conception du dynamisme qui passe avant tout par les gestes, fussent-ils minimaux, des figurants ou des “ modèles ”) et au tout abstrait (l’intervalle, les rapports intellectuels et sensoriels à la fois que le cinéma établit entre blocs d’espace-durée, comme disait Deleuze, et blocs de sens, comme ajoute in pectore Bullot). Les films qu’il aime sont ceux qui ajoutent “ du pas dans le pas ” : de l’intervalle abstrait à l’intervalle concret que franchissent les pieds. Films de voyage et de marche, films qui documentent la locomotion animale et humaine (on voit aussitôt quel rôle jouent les burlesques dans ce tableau).

    Je n’insiste pas, car la clef est presque trop parfaite. L’ambition d’Érik Bullot, c’est de trouver, à chaque nouveau film, une façon nouvelle ou renouvelée de produire ces “ pas dans les pas ”, de faire voir des mouvements qu’il a vus et qui réclament notre attention, et en même temps de la montrer à son pas. Faire du cinéma, c’est réfléchir sur le cinéma : ce postulat de base du cinéma d’auteur et du cinéma d’artiste, qui nous est devenu évident à travers quelques figures envahissantes comme celle du Godard des films-essais, n’est au fond que la traduction particulière de l’axiome auquel les Formalistes avaient su donner la force apodictique d’une évidence. L’art, c’est le souci de l’art, c’est l’affirmation de l’art. Ajoutons à cela le crédo moderne, que l’art, c’est la conscience de l’histoire de l’art, et voilà la toile de fond du travail de cinéastes comme Bullot.

    5. La vie de famille
    Reste une dernière dimension, qui vient préciser et compliquer la signature Bullot. Tout film est un film de famille : on le sait, aussi, depuis les Lumière, dont tout le talent – outre le commerce pour lequel ils avaient du génie – fut d’apprivoiser aux dimensions du cercle familial le monde entier, dont ils firent une “ exposition universelle ”. Cette leçon-là aussi a été retenue par Bullot. Bien sûr, avec le passage du temps, la perte de l’Empire, les désastres de la guerre (et même de deux guerres), le relookage de la bourgeoisie triomphante, on ne peut plus penser qu’il faut s’approprier le monde. Bullot ne filme pas des femmes de colons jetant des sapèques aux petits Vietnamiens, ni des Ashantis exposés dans un zoo, comme le firent les opérateurs des deux frères. Il filme Gênes – une descente vertigineuse sur la mer –, Istanbul – un ferry qui traverse le Bosphore, un marchand de ballons –, Santa Monica – un patineur à roulettes – non comme s’ils étaient siens, mais pour les sensations, toujours aérées, qu’ils lui procurent. Il ne s’agit plus du regard colonial, qui ne marque l’altérité que pour la stigmatiser comme bizarre ou la récupérer comme inoffensive. C’est au contraire un regard distant, qui cherche (je plagie sa formule) “ la distance dans la distance ”.

    Paradoxalement, ce qui se communique au spectateur c’est alors l’impression de la plus grande intimité. Filmer l’intime est un projet répandu, et, même dans le champ de l’art (du cinéma qui se montre et s’expose), il ne manque pas de cinéastes qui ont fait de leur biographie le matériau de leurs films. L’intimité de Bullot, faut-il le dire, n’a que de lointains rapports avec ces projets souvent puissamment impudiques (voir Boris Lehman ou Joseph Morder). Sa proposition, paradoxale et ironique comme à peu près toutes ses propositions, revient à ceci : on ne filme jamais mieux l’intime qu’en ne l’affichant pas. Filmer l’intime, cela peut passer par l’apparition dans les images du corps des êtres proches, voire du sien (encore que Bullot dans le Singe de la lumière ne soit pas Bullot mais un modèle). Mais cette présence visible n’est pas indispensable, et il y aura autant d’intimité dans l’intervalle particulier que l’on produira, dans le choix discret d’une sensation plutôt qu’une autre (d’une vague roulant sur la plage, plutôt que de la suivante), dans le friselis de la lumière que l’on a éprouvée.

    Bullot a commencé, voici quelques années, un journal filmé dont l’économie est, à ma connaissance, quasi unique. Aucune anecdote – ou, rien que des anecdotes, mais totalement dés-anecdotisées par le ton neutre, le montage énigmatique, la parataxe, la succession de sensations et d’affects légers. Pas de récit, pas de datation, pas de mots. Plongée dans une instantanéité éternelle. Le temps – le temps réel, celui du référent – passe, incontestablement, on le voit à l’allure de l’enfant, nouveau-né qu’on baigne (déjà un visage de petit d’homme), bébé en barboteuse délicieusement rétro qui esquisse la station debout, tout petit qui court et trébuche, petit garçon sage en tenue du dimanche avec cravate. Mais rien dans le temps du film ne fait écho à cette fuite du temps, de la vie. Pudeur ? sans aucun doute. Mais aussi, mais surtout, désir de filmer l’intime comme le reste (parce que le reste est filmé comme de l’intime).

    5bis Une économie de l’art

    Érik Bullot est aussi photographe, écrivain, l’ai-je déjà dit ? Une autofiction, le portrait d’un grand-père ou grand-oncle(11) ; un essai-fiction(12) à la tonalité proche de celle des films. Aucune prétention dans cette polytechnique, pas de poudre aux yeux (“ voyez, je sais tout faire ”), mais la conséquence – ou la prémisse – du travail obstiné qu’avèrent les films. L’art est, aussi, un artisanat. Il a tout avantage à fuir les moyens complexes, vite disproportionnés. Son circuit économique le plus naturel n’est pas un circuit marchand, pas un circuit médiatique, mais une simple ligne droite, du producteur au consommateur. La métaphore du peintre qui d’un seul coup peint, sculpte et produit une action (un happening si on veut) – tout cela, parfaitement naturel et parfaitement intégré dans le monde tel qu’il est, avec la beauté de sa lumière et le gris de l’asphalte – est la meilleure description de cette économie.

    Sommé par moi il y a peu de s’expliquer publiquement sur la relation du cinéma à l’art(13), Érik Bullot eut cette idée frappante, que le cinéma avait surtout été envisagé comme membre putatif de la société des Muses sur un mode étrangement virtuel, jamais actualisé au présent, toujours pensé au futur, puis au passé – comme une “ promesse ” jamais effectivement tenue, celle de la réunion des arts du temps et des arts de l’espace, promesse dont le synchronisme du son et de l’image, et ses avatars, auraient été l’emblème et parfois presque l’allégorie. Un art qui aurait eu lieu : singulière conception, de la part d’un pratiquant de cet art même. Mais elle explique, mieux sans doute que tout commentaire, ces traits que j’ai relevés dans les films – la disjonction voulue des items, la distance cultivée du commentaire, l’attachement à certain bégaiement de la forme et de l’expression (voir, symptomatique, la longue séquence du Singe de la lumière où les sujets, parce qu’ils s’écoutent, ne peuvent plus parler proprement).
    L’idée de la “ promesse ” jette aussi une intéressante lumière sur la place de ces films dans le travail d’ensemble de Bullot, sur leur économie. (Faut-il le rappeler, “ économie ” vient de l’oikonomos, l’intendant, le gestionnaire de la maison. L’économie de l’art, c’est aussi affaire personnelle, intime même.) Ricciotto Canudo, à qui Bullot fait hommage de cette promesse, avait été le créateur du Club des amis du septième art. Un club, justement – comme si la promesse ne pouvait être tenue qu’envers le petit nombre. Lumière avait entrepris de montrer le monde à tout le monde (c’est-à-dire à la bourgeoisie occidentale). Vertov entendait ouvrir les yeux des larges masses sur la réalité. L’art du cinéma, cela a été sensiblement autre chose, une possibilité assez intellectuelle au fond, qui ne pouvait concerner que les amateurs. La subtilité, la singularité du cinéma d’Érik Bullot, ce qui lui donne sa plasticité mentale, c’est de tenir les deux bouts de cette histoire, sans jamais lâcher ni l’un, ni l’autre.

    ––––––––––––

    1. Érik Bullot, l’Attraction universelle, Galerie Snapshot, Amiens, 1994, n.p.
    2. Faber Birren, Color. A Survey in Words and Pictures. From Ancient Mysticism to Modern Science, Secaucus, N. J., Citadel Press, 1963.
    3. Louis-Bertrand Castel en expose le principe dans son ouvrage la Musique en couleurs (1720) ; d’autres instruments mêlant son et couleur furent construits ultérieurement, mais demeurèrent fort discrets ; cf. Faber Birren, Color, op. cit.
    4. Voir notamment Jean Epstein, l’Intelligence d’une machine (1930).
    5. Voir, révélateur, le titre du célèbre article d’Abel Gance, dans les années vingt, “ Musique de la lumière ”.
    6. André Breton, le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1965, p. 32.
    7. Érik Bullot, “ 6 notes brèves pour une anagramme ”, le Singe de la lumière, Le Credac, 2002, p. 8.
    8. Érik Bullot, “ Cartes postales en mouvement ”, Documentaires, n° 11, 1995, p. 173
    9.“ Cartes postales en mouvement ”, op. cit., p. 173.
    10. Érik Bullot, “ Le pas ”, in Jacques Aumont, dir., Aventure et Cinéma, Cinémathèque française, 2001, p. 31.
    11. Tombeau pour un excentrique, Deyrolle, 1996.
    12. Jardins-rébus, Arles, Actes Sud, 1999.
    13. Pour le cycle de conférences tenu au Collège d’histoire de l’art cinématographique à la Cinémathèque française, en 2001-2002. Voir J. A., dir., le Septième art. Le cinéma parmi les arts, Éd. Léo Scheer, coll. “ Cinéma ”, 2003. Le texte d’Érik Bullot, “ La promesse ” est p. 57-71.

    Notes on Érik Bullot’s Cinema
    by Jacques Aumont [2006]

    1. The Perverted Documentary
    The movie camera is the invention that made it possible for people to see the world through a moving, far-reaching, insatiable and indifferent eye. Since its inception, cinema has perpetuated a few duties – firstly, that of showing the at last visible world. “To see and show the world” as Vertov stated, making this his motto, slogan and agenda. What is seen must be shown – this is simultaneously a moral prescription, a political obligation and an ontological requirement. One cannot keep the visible to oneself; if one is endowed with the ability to see, then one must share it. It’s an obligation to the community older than all religions. There is the desire to change the world, yes, but also the need to prove that one has seen. Seeing is, in and of itself, a way to create a bond with the visible, a bond that has to do with analysis, judgment, selection, organizing – in essence: editing. With its native ideology, the film camera led to the apodictic observation (though rarely mentioned due to its seeming obviousness), that what is shown must, at some point, have been seen, irrefutably.

    And this is precisely what Érik Bullot’s cinema strives to protest against. Not by manufacturing unreal images that he has fiddled with or that he has worked out ex nihilo, dargestellt: it is here because it was here; seldom is this presentation self-aware, but if it is, it is discreetly so. But in cinema the act of “showing” does not only refer to the rather ostentatious gesture of “here it is” or “so it is”. Showing is always something more than the simple unveiling or presenting: since according to the unavoidable and inexhaustible French pun “montrer c’est monter” (literally “showing is editing”), in cinema the way things are presented always harbors a certain significance, which means the way the film is put together is part of the story being told.

    I was saying: Érik Bullot’s cinéma shows what it has not seen. What I mean is: it shows what the eye cannot see and optics cannot explain. To put it simply, he promotes the idea of the film camera as a machine designed to show the invisible; what we are positive nobody has seen firsthand. Among the many variations of the invisible there is one that Bullot is particularly fond of: that which is born from the interval (as understood by Vertov, once again), from the distance between two phenomena. Sometimes it is a spatial distance, as in Séchage (Paint Drying), which is never shown in a direct way, but only hinted at. In this film, an unspecified distance is made intuitively perceptible. More often, though, it is a temporal distance, a stretch of time between two moments, best exemplified by Le Calcul du sujet / Calculus of the Subject, Oh oh oh! a filmed diary in two parts. Finally, there is a musical distance based on the mysterious calculations of powers and qualities worked out by Vertov and spontaneously and extremely willingly implemented by Bullot. In order to make an interval between things surface – and to make people see it – one must film scenes without staging them (whenever possible) so that they do not begin to convey a story. One must film them for themselves and I would even say with themselves, in themselves. Showing is not embracing a point of view upon things (tops, glasses, merry-go-rounds), phenomena (lightning bolts, energy, whirlwinds), or events (encounter, migration, guided tour). Showing is a move within itself, a motion not bound or, at least, not entirely bound to a conscience and accounting for a dynamic of things, phenomena and events.

    The invisible as an interval will be expressed, for instance, by “la rencontre sur une table de montage d’un duel d’escrime et d’un feu d’artifice” (“the meeting of a fireworks display and a fencing dual on an editing table”) in L’Ébranlement (Shock). The phrase, uttered by the author, is a nod to the concerted and cultivated randomness of the Surrealists (at any rate, any time one tries to realistically convey reality without dramatizing it, one is doomed to verge on Surrealism – I will explain this further). However, the phrase does not do justice to the film, which is not solely dedicated to any of the countless outward signs of the bizarre and does not merely confront the viewer with his own associations – like the umbrella and the sewing machine – or his unending and unfailing perplexity. At that point, the viewer might well be confused for a moment but something is at work here, constructing and submitting itself. What? It could be something incorporeal: shock (Say, that’s the movie’s title!), or more precisely (since shock has to do with the body), something innately invisible. No discipline is more enigmatic than fencing to the layman’s eyes. To the untrained eye, it seems like a series of useless and absurd gestures – until suddenly the two opponents (or on television and in sports reports, a referee) claim there was a “touch.” For the fencing amateur and the professional there is no doubt; for you and me there is only ambiguity. Granted, the “touch” is visible, but only if one’s eye has been trained to see it. Bullot’s film could not care less about didacticism, and after seeing it you won’t recognize “touches” any more easily. But at least they will have been presented, lying invisible within the visible, skyrockets in flight, shocked by the “touch,” by the act of fencing and its latent energy.

    Séchage (Paint Drying). A real-time performance: a document, but a documentary above all. A painter has his assistant pour into his joined hands the contents of tubes of paint. The pastes more or less blend with each other (less and less as this kind of instantaneous spontaneous sculpture). If let to dry long enough it will turn into a block of melted colors, a work of art, so to speak. Such an interpretation is not forbidden, but it is not what the film conveys: that the work is not that color block but a long trajectory from the workshop of the artist in Can Basuny, Olsinelles, to the museum in Sant Pol de Mar. Along little paths and woods to Perejaume– whose name evokes sardana and banyuls wine –down, down, down he goes, interminably, hands in front of him, cupping this chromatic libation. Does he pass by a fountain (fresh water would be a wonder in this Catalan April)? Though thirsty, he cannot reach out his joined hands for the water because they carry this, this being or this unnamable thing: he must drink directly with his mouth. Is he tired? He is not allowed to open his hands, to dissociate them. The most he can do is rest them. A close-up shows them as a kind of warm and live nest inhabited by a slow-to-hatch brood. Once at the museum – miraculously welcoming, offering under a small empty table the foreseen and unforeseen fall of what was a narrative in spite of all – he recovers the use of his hands to set the work on its pedestal, to show it, to hold it. The last shot deliberately ends on the dried block, too round to retain its balance and that the painter cannot let go of. The film lasts about ten minutes, but the dryer’s well-thought-out stroll has no specific duration: this is yours to imagine just like the final lot of the sculpture which holds within itself the air, the steps, the bodily tension and the time that made it.

    1bis. Exoticism: who is the exoticist?
    Seeing the unseen: it’s the opposite of what we spontaneously and increasingly do (we are more “show-and-tell” oriented). The tourist is the most excessive and universal form of viewer; they only want and only know how to see what is given to see, that is to say what has been seen once and for all (and can therefore only be fathomed through this “for all” vision). No more travelers, no more Wanderer aimlessly following a continent’s watershed – only tourists everywhere, in front of the Eiffel Tower or the Loire spring. Nowadays, travel has been reduced only to feelings that can be captured by photographs, the most modest form of show-and-tell.

    With that as our point of departure, Bullot’s undertaking becomes a true manifesto. A man called Blaise Michel, who left for the eastern world in the mid-nineteenth century, became a senior official in the Turkish government (!) changed names and christened himself – if we may say so – Michel Pacha. He became extremely wealthy, at least enough to come back and build in the Toulon Bay, a “folie” reminiscent of the architectural style in Constantinople and the Bosphore. This is the where Le Manteau de Michel Pacha starts. This true story includes so many fictitious features (or the other way round) and takes us into an oriental world, that is to say a world we expect to provide us with a few rather tacky and kitschy effects; a world à la Pierre Loti. By choosing a character with such a conspicuous fate, the author strives to escape Pierre Loti’s style and even to reverse it, to expel it, thus making his film into a true manifesto.

    Michel Pacha found that the Toulon Bay was reminiscent of the Bosphore and for that reason commenced construction. He thought Toulon could dress up as Istanbul – “role-play” as Constantinople, just as, elsewhere in Bullot’s oeuvre, random Romans dressed up as Chinamen. Making the Toulon Bay – which only really resembles the Bosphore to a very peculiar imagination, and not at all geographically, into a mini-Constantinople bay, was a way for the artists to make flesh an intuition, and to make-believe they had brought the Eastern world “back home,” even if it required some adjustment and reshaping, (after all, who will notice?) The film really starts when – having established this premise – the filmmaker decides to pack his suitcase and go explore the Eastern world: Turkey, Bosphore, Istanbul, Constantinople, (actually, he was already familiar with those places, but that’s beside the point). the way magicians or graphic designers do. His images are one hundred percent photography: what we see, he has seen, and in the same way, under the same angle and the same light, in the same unaltered duration, in the same colors, the same hues and reflections, the same motion or the same stillness and under the same presence. What we see in films is presented,

    Soon, he is overwhelmed by a swarm of all that is picturesque and touristy – which he avoids filming as much as possible. Countless difficulties arise from this effort to avoid the sugar-coated side of Turkey because the picturesque keeps coming back – people carrying bright balloons, amusement park merry-go-rounds shaped like giant ladies, street vendors on corners, architecture and urbanism. Rather than film this, he follows smiling models that he films motionless, staring into the camera. He could have filmed these Turkish people closer to home (there are plenty in Paris) but the particular light – including the light of these innocent, bright smiles, which aren’t always found on the faces of the exiled – lets us know why he chose not to do that. Then the film slips, derails, though in a controlled manner, leaves the diptych behind, and takes an unexpected track. Algeria is suddenly added to, or acts as a substitute for, Turkey (we can’t really tell for sure). It’s another idea of exoticism, of Mediterranea – from which History cannot recede so easily. A century ago, an inquisitive French person attracted to the Eastern world could be content with basic imitations applied to his environment. But today it is Eastern people (even when coming from the south, like Algerians) who come to us, bringing us a part of their lives and history. The fantasy of seeing and making visible has been replaced with knowledge of the invisibility of things.

    The Chinese garden presented by Érik Bullot is not located in China or in Rome, where the movie was shot. Strictly speaking, it is located nowhere, or rather in a kind of “chamber of intervals” linking the Villa Médicis’s miniature bamboo grove, a paper dragon that is being painted, a fake mandarin preceded by a servant carrying a lantern, and a nod to the tea ceremony.

    The Chinese Garden is not designed to mimic a Chinese garden or Chinese people, but to signify them. The strangeness of the film – so indicative of Bullot’s style – lies in its constantly revealing its fakeness, “stripping bare the process.” It’s a bit Brechtian, and also evokes Barthes’s The Empire of Signs. At the end of the film, one of the characters (played by Danielle Shirman) is expelled from the film set – from fiction – in a superlative moment of “stripping bare” the process. She takes a typical Roman train and we see her riding through nondescript neighborhoods, a neutral, numb expression painted on her face, released from the Chinese masquerade. Only the remnants of her costume remain. And, in the end, this is what exoticism comes down to: this derisory attire.

    2. Encyclopedism
    Le Manteau de Michel Pacha aimed at reversing Montesquieu’s question. “How can one not be Turk?” In the vicinity of Bormes-les-Mimosas there must necessarily be an equivalent of Ankara, and in each French citizen a Turk or Algerian must be laying dormant. There is a sensitive irony to this position (which conveniently prevents the film from getting caught in the trap of political correctness). Or, maybe even better than irony, we have here a good example of tongue-in-cheek humor that seems to be at play in each of Bullot’s films (intimate films included). Needless to say, this type of irony or amused distance has nothing to do with disdain, on the contrary. In the virtually encyclopedic diversity of his film topics are seen the outlines of a slightly insane science, very enthusiastic about classifications, types, genres; the stuff catalogues are made of. Yet it wouldn’t be a catalogue of inaccurate sciences, like Queneau’s, (which quite often come to mind when watching Bullot’s films), but rather an encyclopedia of approximate sciences (rather reminiscent of Paulhan).

    The term “Universal attraction” was first coined in the eighteenth century to further classify Newton’s universal law of gravity. Since the phenomenon is no longer referred to in this way, the old term is now free to resound with all its nuances in a flush of semantic liberation of which Bullot is extremely glad to take advantage. Planets attract each other and, as a result, they turn (spinning alone, or revolving around other planets). Universal attraction, therefore, affects not only what falls – or restrains itself from falling, like a tightrope walker – but also everything that spins around itself, a top, a gyroscope or a disk. This passage from the cosmic to the leisurely – one repertory just as plentiful as the other – expresses approximate encyclopedism. The “diabolo,” a spinning toy that is bounced on a taut thread, challenges the laws of gravity and other laws of motion. Vinyl records, too, revolve in a different way, not at all resembling the path of the earth around the sun, unless by way of some bold metaphor.

    But, as you might have guessed, that’s not all. The attraction is even more “universal” if one includes, as well as gravity, electro-magnetic phenomena. The magnet “attracts” filings (irrepressible high school memories welling up, physics experiments in good old lecture halls dating back from the previous century). But why stop here? “Taking the metaphor literally. Using practical lessons and examples given in physics textbooks as models” (1). Letting the word add its figurative meaning, unrestrained. Carnivals, amusement parks, everything that turns (the merry-go-round on which passengers ride, hanging onto the hem of a monstrous yet friendly-looking giantess’sdress, is no doubt from Istanbul), but also everything that “attracts,” as painting, according to Diderot, is made to attract the viewer, as, according to Eisenstein, cinema must establish attractions. And then, at the very end, on the film’s horizon, attraction as a feeling triggered by that which is attractive. Aren’t beings universally attracted by other beings? This is very obviously felt in the small catalogue of photographs published under the aforementioned title: faces, hands, gestures, memories (like starfish); an entire little world made of sensations, effects that I will never know but of which I am being given the slightest taste.

    Le Singe de la lumière
    (The Ape of the Light) is the most sophisticated of these encyclopedic films. This sibylline title dates back from way before the eighteenth century and the Enlightenment. It is borrowed from the omni-inquisitive, if not omni-competent, Athanase Kircher who invented optical instruments featured in cinema’s most well-known genealogies and wrote Ars magna lucis et umbræ which has been used over and over by technical film historians. In the mid-seventeenth century, this Jesuit priest proposed a theory of sound modeled after the theory (?) of light, under the pretence that the former “apes” the latter. (The irony is that though we now know this analogy to have been based on their common wavelength, he thought that it resulted from their having similar propagation laws.)

    Here, we are dealing with an age-old issue, often revived under scientific or aesthetic pretenses: what is the relationship between seeing and hearing? Kircher – another approximate encyclopedist – offers a disappointing and vague solution: they are similar in that they are both points where more general laws of nature become apparent. They are the last resorts of language and communication. In the end, Kircher is one of the last scholars of the Middle Ages, of the type that no longer existed after the Renaissance. However, one can come up with of a fair amount of responses that are less grandiose, and leave more to the imagination, when ceasing to depend on science in order to restrict oneself to senses and sensation, to the fields of synesthesia and correlations, a collection of fairly vague phenomena, the rational part of which often remains obscure. Big surprise: it is almost exclusively eclectic amateurs, whose scientific creeds are intertwined with hearsay and legend, who have documented these issues. See for instance Faber Birren (2). In the absence of science, realizations have nevertheless been made – though often ranked in the “eccentric curiosities” category – such as Père Castel’s “clavessin oculaire” (3) that had indeed interested the Encyclopedists (what a coincidence!) and that features at the beginning and the end of Bullot’s film.

    The nineteenth century, which witnessed a profuse and fanciful synesthesic instrumentarium, also strove to unite the destinies of sound and light based on their commonalities – and as Zeitgeist had it, this destiny was inarguably poetic. From Schlegel and Hoffmann to Baudelaire without forgetting Balzac and Poe, this fate developed from the major equivalence between music and color which reached its climax circa 1900 and lasted until the Great War. These were the synesthesists’ “roaring 1900s.” Spurred by their outstanding psychic and physical ability to see the sounds and hear the colors, artists like Kandinsky and Scriabine emerged. Later, Eisenstein focused on this mythical ability in his text called “Synchronization of the Senses.” Since then, because of a kind of postmodern mistrust of the very idea of these correspondences (which seems to imply too heavily a vision of the world as unitarian), they tend to be avoided. From Warhol and his Exploding Plastic Inevitable to Xénakis (Polytope de Montréal) and James Turrell (To Be Sung), from the disco genre to the music video, lights and sounds dissociate eliciting reactions of the senses, butno longer dialoguing with each other.

    Bullot knows this genealogy of the “aping” light (light aping sound, color aping music) in the field of art and on its fringes. His film is craftily constructed in that it approaches the issue from a new direction, addressing not so much the sensory equivalences between color and music, but a subterranean, principial and nearly ontological kinship between sound and light. The fantasy of a fake science or a fantastical science, like physics at the turn of the twentieth century, proposed many correlations (cf. what metaphorized from relativity according to Epstein for instance): light is made of undulations and so is sound, “therefore” they must have some sort of kinship. Reasoning through images, comparisons and metaphors is known to be quite dangerous on a philosophical ground. This film subtly presents images, suggests metaphors, allows comparisons – but never claims to be reasonable. It illustrates, catalogues, counts, and unwinds. Does sound imitate light? The aim here is not to answer such a tricky question, but to ask it, or rather, to remark that it might be asked, or even better: to remark it might have been asked.

    2bis On a certain relationship to surrealism
    As we said earlier, what distances this whimsical encyclopedia from the documentary genre is the deliberate lack of a specific point of view and especially of a narration conveying the voice of authority. Bullot’s images are usually inconspicuous, classical and humble; only rarely do they impose their presence. The narration that accompanies them, when there is any, is neutral, objective, and spoken by a timeless voice striving to be that of universal knowledge. One of this cinema’s most outstanding features, though, is the predominance of the “seeing” over the “hearing” (meaning both “listening” and “understanding”).

    That said, one can’t help but think of André Breton, and the opening lines of le Surréalisme et la Peinture; a statement about the supremacy of sight above any other sense. This idea went totally against the grain of the early twentieth century tendency to fetishize music, (at the time, dominant thought supported the thesis statement of synesthesia; that music was the model after which color was fashioned) (5). Breton ranked the five senses according to the good old hierarchy of the senses dating back from the Middle Ages in which sight came before hearing. Indeed, to him, hearing is understanding – which means that hearing puts us under the reviled stranglehold of reflection and premeditation, while vision – at least in theory – remains untouched by this disease. Vision is pure, uninfected by the calculations of the raison bourgeoise. It has the power of immediacy; the power to present and convince immediately.

    Bullot might not have remembered all those propositions but they did remember him. However, rather than walking in Breton’s footsteps – quite an arrogant and, ultimately, confusing path, (because Breton revels in contradiction, sometimes defending purely perceptive presentation, the stuff that dreams are made of, other times defending “convulsive Beauty”) – Bullot obviously followed the way paved by Magritte. In his works, things are presented for the distinct purpose of being seen, and the vision of these things supports beauty for beauty’s sake. All necessary visual ingredients are there; Bullot certainly knows how to film. His framing is deliberate, his lighting is nothing to sneeze at, his editing is rather economical; the scholarly neutrality of the technical means he uses is reminiscent of the pseudo-academism of Magritte’s own technique. And, as a bass plays softly in the background, sometimes contrapuntally, sight is forced to comply with an existential and even essential suggestion: what you see here exists, it actually is. Therefore, you must expand your vision to encompass one more belief.

    It is common knowledge that Magritte entrusted the titles of his paintings with the duty to promote this belief: this is the most obviously Magrittian feature of Érik Bullot’s cinema. Indeed, the filmmaker goes so far as to re-use the same titles in a different way, to have their virtual meanings surface, as the painter did. Cartes postales en movement (Postcards in Motion) was originally les vues Lumière; but in The Ape of Light, the same phrase recurs in the subtitles, here introducing actual postcards, actually shot in motion, as they are shown, a microgroove carved into them (45 rpm), spinning round on the turntable. A short-lived gimmick from the sixties allowed one to send greetings from anywhere enhanced with one of the hottest hits at the time. There is no need for the titles. At the beginning of Paint Drying, a logo can be seen on the window of the train leading the filmmaker to Catalonia: a pipe and a cigarette barred with a red cross. No smoking. But because this pipe is an exotic one “Ceci n’est pas une pipe” (and consequantly “Ceci n’est pas une cigarette”). Does the filmmaker deliberately reference Magritte? Did this logo just pop up by chance during the shooting? It doesn’t matter, really. He who flirts with fantastic realism reaps surrealism.

    Besides, surrealism and encyclopedism have always gotten along quite well. Dictionaries of surrealism, encyclopedias of freaks and forefathers or fellow travelers, anthologies of black humor, and finally this prescription: “When will all books worth reading stop being illustrated with drawings so they can be published with photographs?” (6) Bullot’s films, with their chapter-like episodes, devoid of rational development but laden with a strong potential for mutual attraction, are based on an incongruous logic favoring analogy, metaphor, and the art of going off on tangents in a controlled fashion. Enhanced by accompanying photographs and texts, they become an irrational photographic encyclopedia.

    3. Languages of the Game

    Though dealing with extremely diverse topics, Érik Bullot’s films all bear a strong family resemblance. Nothing surprising, one might say; they are personal films, they were born from one single individual’s desire. Moreover, as they were produced over a short period of time and were all part of a coherent body of work, as pictures and texts show, they are, with their simultaneously ingenuous and sophistic relationship to documentation and to knowledge, many faces of the same undertaking.

    To my mind, this family resemblance goes further than what one would expect from children fathered by the same man and genetic transmission seems to have been more systematic and more generous than the laws of inheritance usually allow. This feeling is striking when his films are projected in a row – as was the case this year (2002) at the Jeu de Paume. They seem to be linked together thanks to one of their structural features: their love of parataxis. Accumulative effects, juxtaposition, and variation. The editing of the films The Ape of Light, Gravitation, and The Chinese Garden (I am here referring to the most obvious ones) consists of linking a series of cases together without any progression or logic; narrative or otherwise. Granted, the Glassharmonika, the harpsichord, and the postcard with an incorporated microgroove, are linked by a similar ability to produce music, but none is implemented. This is a series based on a common denominator, but its worth and nature are never implemented. Same situation for the activities of the so-called Chinese at the Villa Medicis: one is painting, the other is strolling about, another one mimes a poetic nocturnal excursion to surprise his beloved, and whatever else. In a word, this is the tone of Bullot: amusing and amused. But the relationships between the shots must be imagined on another level.

    The fact that this effect keeps increasing from one film the next is even more striking – and more significant. Cross-references, repetitions, rhymes from one film to another. Titles circulate (the “sound postcards”), shots circulate (a roller-coaster at the amusement park in Istanbul with the body of a giant lady; a California wave breaking against the pier…). Not much effort would be needed to delude oneself into believing that his work is but one single long film, each piece being one part or one chapter. This suits encyclopedism, even if whimsical, or precisely because it is whimsical. This also suits Magrittism (the painter’s passion for mock repetition). And most of all, this defines a peculiar tone.

    In sum, Bullot’s films do not aim at telling a story, even when the topic seems to suggest it, even though there are people resembling characters, as in les Noces chimiques (Chemical Wedding) or The Chinese Garden. Nor do his films try to thoroughly document or express a well-informed, well-developed and supported point of view on an issue or a phenomenon. Nor do they tell the story of the filmmaker’s life using travel notes or photo albums, expounding upon the interests of critic and writer Bullot (notwithstanding the two episodes of a Diary accepted as such and upon which I shall comment later). Instead they very obviously aim at playing some sort of game: playing with fiction, playing with documentary, playing with self-fiction and autobiography, playing with indexical transparency, and, the supreme game, playing with the editing process (the gambler’s obsession: arranging and rearranging his cards ad infinitum).

    The project is not absolutely new, of course, and from that point of view it could be said to have many ancestors. The one I would most like to mention would be Italo Calvino’s Si par une nuit d’hiver un voyageur, with its double level of fiction – on the one hand the master fiction, that of the Reader drifting from book to book without ever managing to reach the end (all books stop at one point and leave the reader frustrated), on the other hand the narrative’s attempts, as diverse and unexpected as possible, nevertheless connected by a common ground, or a common light (as is ironically shown by the fact that their titles follow each other to form what looks like one enormous title, or a cryptic sentence). Series, variations, fake bonds and true continuations, it’s a serious game devoid of any childlike dimension apart from the ability to wonder and take pleasure. Bullot surreptitiously replaces the Ideal reader – my fellow man, my brother, who cannot help being a trifle hypocritical – with a kind of archivist not so much in search for perfect fiction or never-ending fiction as for total and wholly fragmentary knowledge.

    In the sort of instruction guides he has published about his works (in the form of exhibition catalogues), Bullot gives a clue, a transversal one: an immoderate taste for the pattern “64 propositions about…” (about China, about universal attraction, etc.). Sixty-four is the number of squares on a chessboard, which is anything but a game. Black and white: chess is a rudimental yet universal metaphor for good and evil, life, the twofold aspect of all things. The pieces are diverse and each has a true personality, and yet they remain anonymous. One feels that this anonymity is not a wholly unpleasant idea to Bullot.

    3bis Language Games

    We have seen that his world is pervaded with games: those of children (of which the top, a motif in Bullot’s work, would be a perfect symbol) and of the spirit (charades included). However, the most simple, omnipresent, universal source of amusement is language, and Bullot revels in wordplay.

    Let us analyze the titles. Michel Pacha’s Manteau is not a coat (though “manteau” does mean “coat” in French). It is – according to the somewhat Borgesian voice-over – a hamlet in the vicinity of Toulon. After learning this in the film (for even if I were native from the Manteau it would probably not even have crossed my mind spontaneously), I read the title in a different light, like Rastignac’s Paris or Montaigne’s Bordeaux (my puns are not so effortless, they don’t come as easily as Bullot’s). Here, language has been slightly unhinged, uprooted from its banal use. Pacha’s manteau is not an oriental coat, but the fantastical view of an eccentric man as he regards a lost little town. I like to think that by naming another one of his movies l’Ébranlement, Bullot referred – consciously or not – to this language shifting he loves so much. From Pacha’s “Manteau” why not move on to Gogol’s Manteau? To imagine a Manteau sans maître? To think about Lewis Carroll’s portmanteau words? In short, why not allow the signifier to drift away wisely, slowly, and sweetly?

    We could apply this method to his other films. It would probably prove fruitful with Calculus of the subject, which combines two widely polysemic terms (especially the latter). I prefer not to think that the subject suffers from renal calculus, as I do not wish young Felix any harm, but I cannot help but fall back on my knowledge of Latin, drawn in by the precociousness of this title, and think of, yes, kidney stones and renal calculus. And, with his small pebbles, I see in Felix a sort of Tom Thumb whose actions fill these shots that document with absolute opacity the transparency of birth, growth, and maturation of a “subject” (subject to law, love, language, and subject of the film). Gravitation has nearly reached the same ability to float and drift away (as I have already mentioned). Inner China, with its false airs of Outer Mongolia obviously hinting at Lointain intérieur. The Chinese Garden (replace “Chinese” with any attributive adjective you want).

    And last but not least: Shadow Puppets (in French Ombres chinoises which literally means Chinese Shadows), which strips the “procedure bare, if there is one, that is. The so-called Chinese shadows (in French) are no more Chinese than the Chinese garden; and they are not Roman either, or native from the Manteau. Like “universal attraction” or “ape of light,” this phrase belongs to an old terminology that has probably become politically incorrect or is about to, and with subtle irony the film tells us what to think about it. The shadow puppeteer produces signs that fail to create a language. Why? Because they are but inarticulate analoga, unlike those other signs, those of “sign language,” which allow mute people to communicate. If we read between the lines, we find an age-old discussion that has been the source of much confusion amongst semiologists in cinema and photography: language or speech? Neither one nor the other? Signs or codes? Or, definitely and exclusively, meaning in the usage? Signing, aping (which is singer in French): indeed, deaf-mute people mimic with their whole bodies in order to communicate. What if the “ape of light” (“singe de la lumière” in French) was backwards for, “a sign of light”?

    4. The Photographer and His Models

    The rough portrait I am giving here is probably too intellectual, the image too dry. It is high time (like in Paint Drying), undoubtedly one of his most inspired movies, because he managed to preserve the novelty of his central metaphor and the small ones on which it feeds and quenches its thirst. Pointing out the vibration – optical, and otherwise – propagating from one image to another; depicting an discreet and tender sense of light passing by (like in that shot in Oh, oh, oh!, mysterious because so quotidian – and more surrealistic than all others – showing the outstretched, slow and majestic motion of the shadows of the seats on a train as it moves along the tracks).

    For someone aiming at creating an encyclopedia, even if it only includes vague and poetic sciences, Bullot is extremely careful and thoughtful with the subject matter he handles. His most ostensible role is that of image collector, image meaning postcard or illustration. It is no coincidence that in two different versions of the text The Ape of Light, we find the same quote extracted from a comic written by H. A. Zo (pseudonym for A. Chazeau), Nouvelles Impressions d’Afrique (New Impressions of Africa). It is common knowledge that Roussel had decided to include those images in his book so that it would not seem too thin, and that the writer arranged for the pictures to be printed in such a way that they divided the pages, whereas the reading of his book did not require this layout… Moreover, Zo had had to make these drawings without even reading the text; he was flying blind. What is an image produced under such conditions if not an arbitrary and useless supplemental throwaway? For a manipulator of images to reference such an idea is being fiercely ironic. But even in the most deeply encyclopedic moments of this encyclopedia in progress, images are only seemingly dull: even the most neutral of them are carry with them a vibration, a breath of fresh air.

    Shots of flowers, trees, and trod upon grass recur in Bullot’s work. The childhood of art is associated with early childhood for a specific reason. What vibrates more immediately, more visibly than a Provencal prairie kissed by a light breeze at sunset? One whole part of Bullot’s undertaking goes beyond the scope of the collector’s wisdom and the Cabinet of Curiosities (or of Curiosity). In the meantime, the desire to produce plain or rather plane images is always felt, but in a positive way. “Images flattened as if they had been ironed.” One cannot help but be reminded of Bresson, of his instructions favoring accuracy, sobriety and reserve. Besides, Bullot is well aware of this, since he states: “Instead of actors, I preferred to entrust the roles to models, sometimes made up and dressed up, […] or, most often, to people in a position to play themselves…(7)” The Bressonian model is no actor: he does not act or express anything, he offers a surface to film, to write upon with motion and light. These models would be the equivalent to an artist of an object sitting there passively. Moreover, the behavior of Bullot’s models is different from his great forefather’s (all things considered, his style is actually closer to that of Cavalier which is also derived from Bresson – but that’s another story).

    Postcards in Motion is a film with which Bullot has a visceral bond. At first it is a point of view, and, by the end, a cliché. But long ago, before referring to the unbearable stereotype, the boring topos, “cliché” merely meant “photograph.” The postcard in motion strives to uncover the sight concealed behind the cliché, and which, through this movement, will reach an addressee. Bullot’s aim: “Going back to the origins, mingling with them, producing a critique of this exotic illusion. Making this tension between imagery and reality the true topic of the film” (8). Always the same obsession: smoke out the game within language (what makes it “play”, go off track, go insane) and chase down the cliché within the image (what makes it lie, cheat, rendered incapable of take the straight and narrow). But doing so while making sure not to lose this precious game, this precious cheating that constitutes the essence of cinema, cinema itself.

    The human beings we see in his films are natural: they are themselves, whether they act (Michel Pacha) or not (Paint Drying), or even when they act like they are not acting, or do not act, but try to look as though they are, as the two filmed diaries show. When they have to become fairy-tale characters (but never novel characters: “fiction” does not translate into “novel” in this world), they act even harder, of course. But they never fall into drama. This is what is the most moving in the intriguing Chemical Wedding, obviously undertaken by the filmmaker so as to allow himself to film a couple of kids reaching the ambiguous age of the first differentiated eroticism. Like any other kid, they overact. At the same time, they are happy just to be there, to walk, to sleep, to give themselves to everyday practices so simple they become mysterious.

    It stands to reason that one who sees cinema as a representative art where a model must necessarily play himself, must also feel that editing is a sort of writing process. Once again this conception is drawn from the teachings of Bresson and can be found in different variations in all his great heirs, from Straub to Pialat or Cavalier. There is no other explanation for the parataxis so dear to Bullot: shots in sequence necessarily have a relationship that we must strive to discover. In his most narrative film, Paint Drying (which merely conveys one single long action), the viewer sees a series of landscapes, an artist coming down from his retreat in the mountains, and a walk to a small museum in a village on the Mediterranean seaside. But what really matters is what silently shows the worth of the painted treasure that is being carried in the man’s hands; it is so precious that he doesn’t mind depriving himself of drink, of the ability to wipe his forehead, of whistling a tune with his hands in his pockets. Silently again, the two diary episodes in which the young boy’s races, first tottering, then more self-assured, have something in common: they’re both apparently going nowhere; therefore, once again, it is not so much the narrative that prevails (what would it speak of, anyway, if not the passage of time?) as the series of actions taking on – through the editing of flattened images – an opaque and unexpected meaning. And what’s coming next concerning effects is also unexpected.

    4bis Cinema As a Model for Cinema
    In his work notes for le Manteau, Érik Bullot states that, as he was about to leave for Istanbul, “Michel Pacha’s theater offered the possibility of being filmed.” (9) There is no doubt that reflecting upon the law of gravity, upon the art of shadow puppets, upon the extraordinary similarity between sound and image, staging several alchemical figures presented Bullot with the opportunity to search for a possible (cinematic) form. All the same, he’s filming his child’s childhood, a subject coming into his own in terms of significance and culture, and the places familiar (family house) and exotic (Balearic Islands, California, Italy) through which he travels can only aim at searching for form.

    Bullot is a great connoisseur and amateur of avant-garde cinema (and also of this poetic and intimate cinema for which there is no specific name and that one should avoid calling “experimental”). His articles and his conferences reference Chaplin and Lumière, Keaton and Vertov – revealing a tropism for the orthochromatic as well as for a cinema particularly fascinated with movement. Not surprising for a photographer who esteems at its proper value the silver component of film stock, nor for a postmodern filmmaker who knows that cinema has always defined itself – no matter how contradictory these definitions might have been – in relationship to motion. Bullot’s cinema seems to favor the poor movement (as in ‘poor art”): mostly still shots, or long walks with camera in hand (in a demonstrative way, to follow baby’s first steps).

    How to reconcile this practice and this taste; to bridge the gap between sober films relying heavily on narration, at least implicitly, and burlesque movies or explorer’s movies? To me there is no better answer than the one suggested by Bullot himself during the brilliant lecture he gave about what he calls the “pace” (“pas”). “The pace defines the relationship between the body and the interval” (10). Through this remarkably synthetic formula, uttered at a lecture dedicated to films other than his own, he hints at the most logical solution to the enigma of this cinema, which applies equally to all things concrete – body, motions, a conception of dynamism expressed through gestures, (however minimal), walk-ons, or “models,” and to all things abstract (the interval, the intellectual and sensory relationships that cinema establishes between time and space, as Deleuze stated, and blocks of meaning, as Bullot adds in pectore). He loves films that add “paces within the paces”: films that cross the boundary between the abstract interval and the concrete interval. For example: travel and exploration films documenting animal and human locomotion (it is easy to see where the burlesque comes into play here).

    There is no need for me harp on it, for the key is nearly too perfect. Érik Bullot’s ambition is to find with each new film a new or renewed way to produce those “paces within the paces,” to show motions he has seen and that require our attention, and at the same time, to show them at his own pace. Making cinema means reflecting upon cinema: this basic postulate of art-house cinema which has become obvious to us thanks to a few pervasive figures such as Godard, with his “essay films,” is but the peculiar translation of an axiom with which Formalists have managed to confer the apodictic strength of an obvious fact. Art worries about art, and art affirms art. Add to this the modern-day credo according to which art is the conscience of art history and there you have the background of filmmakers like Bullot.

    5. Family Life

    One last element distinguishes and complicates the “Bullot touch.” Every film is a family film, and this we have known since the days of the Lumière brothers, whose talent – apart from business for which they were quite gifted – lay in taming the whole world and making it family-friendly, molding it into a “Universal exhibition.” Bullot remembered this lesson. Of course, with the passage of time, the loss of the Empire, the disasters of the war (and even two wars), and the new look of the triumphant bourgeoisie, it is no longer possible to think that one must make the world his own. Bullot does not film colonizers’ wives throwing sapeques to Vietnamese children, nor Ashantis exhibited in a zoo, as the Lumiere’s cameraman did. He films a breathtaking trip down to the seashore in Genoa, a ferry crossing the Bosphore in Istanbul, a balloon seller in Santa Monica, then a roller-skater, not so much to prove that they are his, but to grasp the always aerial sensations with which they provide him. His gaze is not a colonial one which acknowledges otherness only to stigmatize it or project onto it an inoffensive nature. On the contrary, his is a distant gaze in search for (allow me to borrow the formula) “distance within distance”.

    Paradoxically enough, what the viewer then perceives is a feeling of great intimacy. Although filming intimacy is a huge undertaking, in the field of art there are a good amount of filmmakers who have used their life stories as material for their films. Bullot’s intimacy is but remotely connected to those often very shameless projects (see Boris Lehman or Joseph Morder). His opinion on that subject is, like his opinion on nearly every subject, paradoxical and ironical and boils down to: you never film intimacy better than when not displaying it. Filming intimacy can mean filming the bodies of close friends, or his own, (although in The Ape of Light Bullot is not Bullot, but a model). Yet this visible presence is not indispensable and there will be as much intimacy in the peculiar interval as in the discreet choice of one sensation over another (one particular wave rolling on a beach rather than the next one), or in the slight trembling of the light we felt.

    A few years ago, Bullot started a uniquely concise filmed diary. Not a single anecdote – or rather, nothing anecdotal, was included. Instead, we have a work completely devoid of anecdotes thanks to its neutral tone, its puzzling editing, its parataxis, and its succession of sensations and tossed-off effects. No narrative, no time period, no words. Nothing but a dive into a timeless instantaneity. Time – real time, that of the referent – does go by, unarguably: We see it in the pace at which the child moves along; first a newborn being bathed (already with the face of a little man), then a toddler in a deliciously old-fashioned romper learning to stand erect. The very young child runs and stumbles, a good little boy in his Sunday best complete with tie. However, nothing in the movie quite echoes the rapid flight of time, of life. Modesty? Without a doubt. But also, and above all, the desire to film intimacy as one would film anything else (because everything else is filmed like intimacy).

    5bis An Economy of Art
    Érik Bullot is also a photographer and a writer, did I mention that? Fiction of the self, (portrait of a grandfather or grand-uncle, for example) (11) and fiction-essays (12) employ a tone close to that of his films. This polytechnic method has no pretension and doesn’t try to pull the wool over anyone’s eyes (“See, I can do anything”), it is but the consequence – or the premise – of the tedious work done by the filmmaker, as his numerous films show. Art is also a type of handicraft. It might as well avoid complicated, disproportionate methods. The most natural and economic path is neither a business nor a media-oriented path, but merely a straight line from the producer of the art to the consumer of the art. The metaphor of the painter who kills three birds with one stone, painting, sculpting and producing an action (a happening, if you will) – and all this in a perfectly natural tone and perfectly integrated in the world as it is, with the beauty of its light and the grey of its concrete – is the best depiction of this economy.

    Not long ago I asked Bullot to publicly explain his views on the relationship between cinema and art (13). He brought to the fore the striking idea that cinema was above all conceived as a putative member of the society of Muses, in a strangely virtual fashion, never updated in the present, always thought of in the future, then in the past –like a “promise” never actually kept, that of the coming together of temporal and spatial arts, a promise of which the synchronicity of sound and image, and their avatars, would have been the emblem and almost the allegory. An art that would have occurred: singular conception from one practicing this very art. But it does explain, probably better than any commentary, these traits that I pointed out in his films – the items’ willed disjunction, the commentary’s carefully observed distance, the attachment to a kind of stuttering of form and expression (for an example, see the long sequence in Ape of Light during which the subjects, because they are listening to themselves, can no longer speak properly).

    The notion of “promise” also casts an interesting light on the status of those films in Bullot’s oeuvre, on their economical aspect. (Do we even need a reminder that the term “economy” is derived from the oikonomos, the accountant, the one running the house. The economy of art is also a personal and even intimate issue). Ricciotto Canudo, to whom Bullot pays tribute through this promise, had founded the Club des Amis du Septième Art. Yes, a club – as if the promise could only be kept by a small group of people. Lumière had undertaken to show the world to everybody (“everyone” meaning the occidental bourgeoisie). Vertov wanted to help open the eyes of the masses to reality. The art of cinema, though, has become something entirely different, an intellectual possibility that only concerns amateurs. The subtlety and peculiarity of Érik Bullot’s cinema, that which confers upon it a mental plasticity, is its grasp on the two ends of this story, and its refusal to ever let go of either one of them.

    ––––––––––––

    1. Érik Bullot, l’Attraction universelle, Galerie Snapshot, Amiens, 1994, n.p.
    2. Faber Birren, Color. A Survey in Words and Pictures. From Ancient Mysticism to Modern Science, Secaucus, N. J., Citadel Press, 1963.
    3. Louis-Bertrand Castel explains the principle in his work La Musique en couleurs (1720); other instruments blending sound and color were built later on but never attained fame; cf. Faber Birren, Color, op. cit.
    4. See Jean Epstein, l’Intelligence d’une machine (1930).
    5. See the title of the famous article written by Gance in the twenties “Musique de la lumière”.
    6. André Breton, le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1965, p. 32.
    7. É. Bullot, “6 notes brèves pour une anagramme”, le Singe de la lumière, Credac, 2002, p. 8.
    8. É. Bullot, “Cartes postales en mouvement”, Documentaires, n° 11, 1995, p. 173
    9.“Cartes postales en mouvement”, op. cit., p. 173.
    10. É. Bullot, “Le pas”, in J. Aumont, dir., Aventure et Cinéma, Cinémathèque française, 2001, p. 31.
    11. Tombeau pour un excentrique, Deyrolle, 1996.
    12. Jardins-rébus, Arles, Actes Sud, 1999.
    13. In the context of the conference cycle held at the Collège d’histoire de l’art cinématographique at the Cinémathèque française, in 2001-2002. See J. A., dir., Le Septième art. Le cinéma parmi les arts, Léo Scheer, coll. “Cinéma”, 2003. Érik Bullot’s text “La promesse” is pp. 57-71.

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