Performance de Peter Miller
Le 20 novembre 2015 au MAC VAL
Partageant les vertus de l’effacement et du retrait, la performance de l’artiste Peter Miller, projectionniste dans sa jeunesse, Forever Film (2006), renvoie directement au motif du dédoublement. Dans une salle de cinéma restée éclairée, le spectateur assiste à la projection d’un film où l’on voit un projectionniste affairé dans sa cabine chargeant alternativement ses bobines 35 mm sur deux projecteurs. À la fin de chaque passage, il rembobine ses films et recharge la machine. Le répit entre chaque action, très bref, lui laisse cependant le temps de feuilleter un manuel du projectionniste. La situation pourrait sembler ordinaire mais le spectateur est invité, par la lumière présente dans la salle, à quitter son siège et à se déplacer. Il peut, par exemple, s’approcher de la vitre de la cabine, restée éclairée, pour observer le manège et découvrir avec stupéfaction le projectionniste de l’écran, en chair et en os, se livrant aux mêmes opérations techniques, parfois en synchronie avec le film. Le caractère spéculaire du face-à-face entre la cabine et l’écran rend la situation divertissante et inquiétante à la fois. Le projectionniste s’est dédoublé, devenu son propre fantôme, automate et rêveur, confondant la présence et l’absence, à la manière du héros keatonien.
Érik Bullot
Extrait de Le Film et son double, Mamco, 2017, p. 165-167