Projet
Bord de mer, Alger. Hiver 2011.
D’après une diapositive des années 1950.
Les repères sont difficiles à trouver, les bâtiments portuaires ont beaucoup changé, les grues m’induisent en erreur mais les toits des bâtiments du môle Oued sont intacts, les balises sont bien celles de la passe entre le bassin de l’Agha et le bassin Mustapha. C’est par un pont qui descend vers la rue d’Angkor que je trouve l’alignement entre la balise tribord et la tour moderne de la rive. Je suis dans l’axe mais trop bas.
Le parc Sofia surplombe bien toute cette zone mais est légèrement plus au nord. Des palissades métalliques sont érigées tout le long, bloquant une bonne partie de la vue. Je me contente de faire des prises de vues qui reprennent de manière fragmentaire les éléments qui composent la diapositive. Une voix dans mon dos. Quelques minutes d’attente, puis les questions qui m’amènent pour la première fois à expliquer mes préoccupations à un gradé de l’armée.
Il m’informe de l’impossibilité de photographier son bâtiment : une caserne qui aurait pu être le contre-champ exact de la diapositive léguée par mon père.
De retour dans le parc Sofia, les bancs faisant dos au paysage maritime sont orientés vers le centre du jardin. J’observe par les bâillements des palissades les hommes solides en treillis qui sortent sur une passerelle couverte de barbelés pour fumer des cigarettes. Derrière moi, un chat laisse pendre sa langue sur le côté de sa gueule. Les bords en sont sclérosés, je m’éloigne.
De retour à mon hôtel, la Bulgarie est loin, je reprends la lecture des passages rédigés à Sofia en septembre 2010.
Extraits
– Les chiens dans les décors extérieurs des rues de New York, mangent les restes de pizza des équipes de tournages. Les bennes dans lesquelles les chiens se nourrissent avidement débordent progressivement de pop-corn blanc en polystyrène que le vent balaye.
– Dans une boutique factice d’Opinels, des techniciens des studios comparent leurs couteaux multi-tâches au rustique canif. Ils sont impressionnés du tranchant. Les nantis n’y entrent pas, mais fardés de sacs de toutes marques, ils admirent la vitrine et sa décoration. En arrière-plan les animaux en 3D des diverses publicités tournées ici fuient vers la montagne pour échapper aux chiens.
– Des brancardiers courent, ramassent les blessés. À l’infirmerie générale du studio, reposent sous perfusion un nombre important de victimes qui jouent plus ou moins bien leur rôle.
– Le petit groupe de nantis aux allures toujours aussi détachées traverse la scène. Ils dissertent sur la fonction des lieux, l’ancien usage du studio pour le tournage de péplums, ils quittent New York pour rejoindre Rome.
Synopsis
Suite à la perte de son troupeau, un berger bulgare se lance dans l’aménagement de son corps de ferme en jardin. Le lieu attire rapidement l’intérêt de visiteurs (les nantis). Lassé de la situation, le berger se rapproche de ses quatre chiens adultes, seuls capables de retrouver le troupeau.
Cette union le pousse progressivement à intégrer la meute. Dès lors il ne sera ni dominant ni décisionnaire. La quête du troupeau implique une longue traversée du paysage dans laquelle il croise curieusement les nantis devenus des commentateurs avisés du paysage mais ni les uns ni les autres ne semblent se voir. Tout le long de ce périple la meute s’enrichit de divers chiens errants. Avec l’arrivée du froid, le mâle dominant les guide en direction de la capitale jusqu’aux poubelles (bennes) des studios de cinéma de Sofia. Le manque de nourriture oriente leur voracité vers toutes les représentations du monde animal dans le studio.