ETC. (Y a-t-il une mort après la vie ?)

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    par Jean-Pierre Rehm

    Topographie I

    Cela n’aura échappé à personne, une grosse pâtisserie d’un blanc meringué écœurant surplombe Paris. Triste imitation de style byzantin, les sept biberons de la basilique du Sacré-Cœur, comme les décrit Jacques Roubaud (1), attirent les touristes du monde entier. De quoi veut-on les nourrir ? « Panorama de 50 km de rayon sur la capitale par temps clair », répond pudiquement un guide. Vue conquérante sur la ville qui permet un instant de s’inventer un destin en forme de vidéo-carte postale, peut-être. Mais il y a autre chose : un poison plus subtil leur est doucement distillé dans ces lieux saints. Car presque tous ces visiteurs ignorent qu’ils accomplissent à leur insu un pèlerinage. Edifiée à la demande expresse du Vatican pour réparation des supposés crimes des communards en 1871, en lieu et place du cœur de ce soulèvement, cette basilique ne figure rien moins qu’une expiation. Ultime et maigre revanche : nul ne saurait s’étonner qu’à l’abjection de l’exigence s’accorde si bien le kitsch architectural le plus grotesque. Exemple éloquent et scabreux de commémoration, voilà un monument qui justifie amplement le verdict de Benjamin selon lequel, à être toujours écrite par les vainqueurs, l’Histoire est suspecte. Question qu’adresse donc indirectement le Sacré-Cœur : est-il possible de gauchir l’Histoire, est-il possible de rendre voix à ses vaincus ? Sans pour autant avoir la présomption de parler à leur place, ni même d’eux, sans présumer de leur force ou de leur faiblesse, voire des siennes ? Est-il possible de « brosser », selon les vœux de Benjamin, « l’Histoire à rebrousse-poil » : voilà, en somme, le programme que se sont fixés les films d’Arnaud des Pallières.

    Topographie II (ailleurs)

    Une rue discrète relie la rue Froidevaux au croisement du boulevard Edgar Quinet et du boulevard Raspail ; elle coupe en son tiers, dans la largeur, le cimetière Montparnasse. Mais la quiétude dont elle jouit ne tient pas seulement au gothique de sa situation. C’est davantage à une rumeur persistante qui laisse entendre « qu’Adolphe Thiers, en 1871, durant la répression de la commune de Paris, a décidé de faire dépaver la rue Emile Richard, qu’il a, à même la rue, fait creuser une fosse commune pour y enterrer des insurgés, puis qu’il a fait repaver la rue afin que le peuple de Paris piétine lui-même, sans le savoir, la sépulture de ses camarades morts au combat ou éxécutés ». L’historien qui, dans le film La mémoire d’un ange, assis au fin fond de la Bibliothèque Mazarine, tient ces propos, les infirme aussitôt : il s’agit d’une légende populaire. La rue Emile Richard n’est ni une sépulture infamante, ni un monument secret ; elle dessine un tracé sans profondeur, simple voie de passage ou de partage dans le paysage urbain. C’est de cette voie dont le film essaye paradoxalement de se souvenir. Car, ainsi que l’écrit brutalement Jean-Luc Nancy : « Jamais l’art ne commémore. Il n’est pas fait pour garder une mémoire […] Si l’art, en général, a affaire à la mémoire, c’est avec l’étrange mémoire de ce qui ne s’est jamais déposé dans un souvenir, qui n’est donc susceptible ni d’oubli, ni de mémoire car nous ne l’avons jamais vécu ni connu, et cependant, cela ne nous quitte pas (2). »

    Cinématographie

    Nous voici donc en pleine fiction – et à ce registre imprécis obéit tout autant l’exercice apologétique commandé par la télévision du Is dead, (Portrait incomplet de Gertrude Stein). On l’aura compris, et les titres des différents films d’Arnaud des Pallières ne prêtent à aucune équivoque (La mémoire d’un ange, Les trois temps du reveneur, Le jardin du bonheur, Les choses rouges, Avant après, Drancy avenir, Is dead), il s’agit ici d’une entreprise politique. Autrement dit, grammaticale : de quelle manière conjurer le passé au présent sans trahir, dans l’opération de traduction, leur jointure problématique ? Jouer ainsi la fiction d’un réel reconstruit contre l’effet de croyance induit par le documentaire, flanqué de son insupportable cortège d’alibis frelatés (sordide symptôme reliquaire, nécessairement fabriqué de surcroît, qui table sur la plus-value de l’authenticité : j’y étais, la caméra l’a sauvegardé pour moi, etc.), la construction de l’après-coup contre le supposé vrai du live : voilà la règle de concordance des temps que s’est fixé des Pallières. Jacques Rancière, à propos de Drancy avenir, précisait qu’un tel choix de « fiction se construit exemplairement comme la construction même du lien entre une idée de l’histoire et une puissance de l’art (3). » En ce sens, la rue Emile Richard dépasse l’anecdote ; investie d’une charge allégorique, elle donne dès le coup d’envoi de ce premier court-métrage l’exemple aux films qui vont suivre. Qu’est-ce qui la qualifie à ce titre de témoin d’emprunt ? Trois caractères, traits récurrents dans les films d’Arnaud des Pallières, autorisent cette fonction. Inscription concrète, d’abord : la rue est un lieu de passage bien réel (le travelling obstiné sur le sol qui clôt La mémoire d’un ange enquête, scrupuleux et vain, sur les aléas de la rénovation du macadam). Contiguïté incontournable avec le passé, ensuite : la rue est traversée effective « entre les morts » du cimetière de part et d’autre (« Ils sont quelque part entre l’Achéron et le Léthé, ces morts qui n’ont pas été régulièrement enterrés par le spectacle, ils sont censés dormir en attendant qu’on veuille les réveiller, tous, le terroriste redescendu des collines et le pirate revenu de la mer, et le voleur qui n’a plus besoin de voler », énonce la voix off d’un soldat qui fuit dans les catacombes). Puissance évocatoire enfin, forte des récits qui y circulent, elle entraîne à sa suite tout l’appareillage cinématographique : des sons et des images venus d’ailleurs (de la musique, des plans en studio, des documents, des textes, etc.). Il y va donc ici d’une méthode où pleine liberté est offerte au témoin. Passée de longs plans pris à hauteur de passant en sa métamorphose de maquette miniaturisée soumise à la vision panoptique du pouvoir, la ruelle s’est transformée le temps du film, celui, ramassé, de La mémoire d’un ange, en parcours obligé qui déroule une perspective complexe qu’il incombera au spectateur de sillonner et d’interpréter à sa guise.

     

    Cinématographies

    Tous les films d’Arnaud des Pallières tiennent un semblable pari, tendu entre l’autorité nécessairement organique de la fable et l’entêtement obtus des images à ne témoigner que d’elles-mêmes. Et cet écart ne fait dans aucun de ses films l’objet d’une réconciliation, il se redouble au contraire en deux pôles qui prennent l’allure de manifestes contradictoires.

    Le premier est clairement didactique, présent dans son dispositif scolaire le plus manifeste : tableau noir couvert d’écritures à la craie, salle de classe, récitation, figures typiques de l’élève et de l’enseignant (La mémoire d’un ange, Les choses rouges), pauses de lecture (Is dead), scènes de cours (l’amphi universitaire ou la leçon de chant dans Drancy avenir, film dont « l’héroïne » est une étudiante en histoire), etc. C’est la scène primitive de la transmission héritée de Godard et de Syberberg, et de Brecht avant eux. Espace renvoyé à la nécessité revendiquée de l’apprentissage, c’est le cadre offert au déploiement de la parole, de la nomination, de la démonstration, lieu ouvert d’une pédagogie, où le son et l’image sont provisoirement réunis pour alléguer la rencontre d’un obstacle. Mais si cet espace revêt un caractère théâtral, dans la mesure où privilège est accordé à la parole pour mieux prendre à parti le spectateur (fidèle en cela aux quelques uns qu’on reconnaîtra ses inspirateurs : Oliveira, Eustache, Duras, les Straub…), c’est bien au sens où un tel théâtre, plutôt que de faire se succéder des affirmations, ou pire, de délivrer des informations, s’affiche sous le jour de la crise : la parole y est en butte permanente contre elle-même, contre son infirmité à élucider, contre son univocité.

    A l’opposé, l’autre pôle est celui, mutique le plus souvent (du moins le son, musique ou commentaire, y est-il off), où l’image se donne pour unique tâche l’enregistrement laborieux de l’agitation, du fantomatique de l’existence au quotidien, du travail, de la nature, etc. Signe évident de cette instabilité essentielle : la vitesse de défilement des images varie et passe du ralenti à l’accéléré, s’émancipant de toutes les contraintes de synchronisation (pratiques et symboliques) que dicte le son in. C’est pourquoi, à la différence du premier pôle qui ne présente qu’une série limitée d’archétypes, son caractère aléatoire lui permet de s’incarner sous une multiplicité de figures. Ces figures n’accèdent jamais au rang de personnages, elles apparaissent davantage sous la forme de supports propices à accueillir ou à susciter des événements : chaussée, balayeur (La mémoire d’un ange ; ce dernier a peut-être émigré de cette équipe de nettoyage qu’on aperçoit, au petit matin, devant une salle de cinéma du boulevard Sébastopol, dans Les mains négatives de Duras), paysannes, fossoyeur, tombes du Père Lachaise, la comédienne Micheline Dax, balancement des feuillages, troupeau de vaches, motocycliste (Les choses rouges), images d’archives (Is dead) (Portrait incomplet de Gertrude Stein) : ce film, manière d’écho au Walden de Jonas Mekas, est de toute évidence celui qui souscrit le plus à l’injonction lancinante de Stein : « L’affaire de l’art est de vivre dans le présent d’aujourd’hui, complètement dans le présent d’aujourd’hui et d’exprimer complètement le présent d’aujourd’hui »). En bref, le rythme mouvementé du monde qui, comme le prescrit encore Stein, « doit bouger non pas par rapport à quelque chose mais tout simplement bouger. »

    Musique et montage

    Ce double postulat qui fait osciller les films de des Pallières entre des extrêmes (en résumé : le présent du passé, d’un côté ; le présent du présent, de l’autre) les contraint à trouver leur homogénéité stylistique moins dans tel ou tel effet de signature de mise en scène que dans une logique de la rupture. C’est pourquoi le montage y apparaît-il si décisif. Mais qu’est-ce que le montage s’il ne s’agit pas seulement de le revendiquer au sens d’une discipline cinématographique, mais plus largement comme stratégie ? Part la moins « innocente » du cinéma, il en est la manifestation délibérément techniciste, reflet pratique des chaînes de montage (Gertrude Stein évoque d’ailleurs elle-même le rapprochement entre la date de son recueil Tender Buttons, de 1913, et la mise en place de l’automation aux usines Ford). Le montage au cinéma répète la loi de morcellement improductif à laquelle est désormais soumise toute production. C’est sans doute la raison pour laquelle les figures de travailleur dans ces films, à l’opposé de l’imagerie misérabiliste ou héroïque de l’édificateur si communément répandue, sont plutôt des agents éliminateurs, les acteurs impatients d’une énergique remise à zéro : balayeur, fossoyeur, déplumeuse, actrice, peintre, écrivain. Le montage des films de des Pallières met en réalité à l’œuvre des démonteurs. Moyen de « rompre avec tout le naturalisme vulgaire » (Benjamin), son usage prévient de toute appropriation romanesque linéaire. Au contraire, le montage induit une forme de bégaiement, de reprises infinies, de redites minuscules et inlassables. Refus du développement servile de la pensée où Blanchot reconnaît, à propos du fameux vers de Stein « a rose is a rose is a rose », « la pure résistance ». Mais cette mise au chômage de l’Auteur au profit de la petite main qu’est alors devenu le cinéaste fait remonter dans les films de des Pallières cette opération jusqu’à leur écriture : pas un texte qui ne soit emprunté, détourné. D’autres films même y trouvent leur place (ainsi un extrait du Marchand de Venise inabouti d’Orson Welles dans Drancy avenir ; et les passages d’archives a priori obligatoires du Is dead flottent, inassignés à leur contribution hagiographique, soudain libres de droit). Chacune de ces multiples voix sollicitées est appelée à compléter l’« autobiographie de tout le monde », selon le souhait de Stein. L’horizon d’une telle démarche est musical. Encore la prépondérance accordée à la musique ne doit-elle pas prêter à confusion. Comme l’exemplifie magistralement la leçon de chant dans Drancy avenir où une jeune cantatrice s’exerce patiemment à une terrifiante berceuse, la musique est un tenseur supplémentaire : un instrument dialectique. Ainsi qu’Adorno y insiste à propos de Mozart et de Bach (qui closent respectivement Drancy et la Mémoire), son OUI essentiel est d’abord un NON à la négation ambiante, son approbation ne se laisse entendre que rageuse et laisse intacte, comme dit Benjamin, « le don d’attiser pour le passé la flamme de l’espérance ».

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    1. La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains, Jacques Roubaud, éd. Gallimard 1999.
    2. « L’immémorial », Jean-Luc Nancy, in Art, mémoire, commémoration, éd. Voix Richard Meyer / Ecole Nationale Supérieure d’Art de Nancy, 1999.
    3. « La constance de l’art », Jacques Rancière, in Trafic n° 21, éd. P.O.L. On pourra se reporter aussi, à propos de Drancy avenir, à l’article de Rancière dans Arrêt sur image, Centre Georges Pompidou.

    ETC. (Is there a Death after Life ?)
    by Jean-Pierre Rehm

    Topography I

    As everybody has noticed, a huge, sickening, white meringue overhangs Paris. Sad imitations of Byzantine style, the Sacred Heart basilica’s seven baby bottles, as Jacques Roubaud describes them (1), attract tourists from all over the world. What do we wish to feed them “A 30-mile wide panorama of the capital on a sunny day”, a tour guide answers coyly. A conquering view of a city that might allow people to invent for themselves a life shaped like a video-postcard, maybe. But there is something else: a more subtle poison which is quietly being administered to them in those holy places. Indeed, all those visitors fail to realize that they are on a pilgrimage when walking up and down those sacred spots. Erected upon request from the Vatican to pay for the so-called crimes perpetrated by the “communards” in 1871 at the spot where the uprising occurred, this basilica is but a symbol of expiation. A final but quite lame revenge: no one will be surprised to see how well the most grotesque architectural kitsch marries) with the abjection of authoritarian demand. An eloquent and uncouth example of commemoration, this monument offers a relevant justification of Benjamin’s assumption that History is dubious because always written by the victors. Simply by being there, the Sacred-Heart raises an issue: is it possible to warp History, is it possible to give the floor to the vanquished? Without claiming to speak on their behalf or merely about them, without hinting at their strength or weakness or at one’s own? Is it possible, according to Benjamin’s wishes, “to rub History the wrong way”? Here is, in short, the duty with which Arnaud des Pallières has entrusted his movies.

    Topography II elsewhere

    An inconspicuous street Froidevaux street to the intersection between: Edgar Quinet boulevard) and Raspail boulevard; it crosses the Montparnasse cemetery at the third of its width. But the quietness ruling over this street is due not only to the gothic nature of its location. It owes more to a long-lasting rumor according to which “during the repression of the Paris commune in 1871, Adolphe Thiers decided to have the cobblestones paving Emile Richard street removed, had a massive grave dug in the very same street to bury the insurgents and then had the street repaved so that the people of Paris would – without their knowing – tread upon the burial place of their line of duty or executed comrades.” Lurking at the back of the Mazarine Library, the historian uttering these words in La mémoire d’un ange (The Memory of an Angel) denies them right away: this story is but a popular legend. Emile Richard street neither an ignominious burial place, nor a secret monument; it follows a shallow layout, a mere passageway in the urban landscape. Paradoxically enough, the film endeavors to bring this passageway back to mind. For, as Jean-Luc Nancy straightforwardly states: “Art never commemorates. It is not designed to preserve memory […] Granted, generally speaking, art deals with memory but with the odd memory of what never settled within a memory, and that is, therefore, unlikely to be forgotten or remembered since we never lived nor knew it; and yet it sticks to us.”(2)

    Cinematography

    So, here we are, in the midst of fiction – and even the T.V.-sponsored apologetic work Is dead, (Incomplete Portrait of Gertrude Stein) belongs to this inaccurate category. The titles of Arnaud des Pallières’s different films do not leave any room for ambiguity (La mémoire d’un ange / The Memory of an Angel, Les trois temps du reveneur, Le jardin du bonheur / Gleeful Garden, Les choses rouges / Red Things, Avant après / Before After, Drancy avenir / Drancy Future, Is dead), and we understand we are dealing with a political undertaking. In other words a grammatical undertaking: how can we conjugate the past in the present tense without betraying their connection in the translation process? Faking the fiction of a reality reconstructed to resist the documentary’s persuasive nature (forcing people into believing what they see), a genre always followed closely by an unbearable procession of stale alibis (an insincere – furthermore necessarily manmade – age-old symptom which depends on the value-added of authenticity: I was there, the camera saved it for me etc.). After-the-fact construction versus the so-called truth of live action: here is the time concordance Pallières decided to abide by. Commenting upon Drancy Future), Jacques Rancière stated that such “fiction is generally conceived as the very construction of the link between an idea of history and the power of art” (3). In that sense Emile Richard street is located beyond the mere anecdotal story; laden with an allegoric dimension, right from the start of this first short film, it paves the way to upcoming movies. Qu’est-ce qui la qualifie à ce titre de témoin d’emprunt ? Three recurring features in Arnaud des Pallières’s movies enable him to claim this function. First the concrete inscription: the street is a true transit area (as shown by the stubborn traveling shot towards the ground closing La mémoire d’un ange / The Memory of an Angel and investigating thoroughly, though in vain, the refreshing of the tarmac). Then, the inexorable proximity with the past: The street actually serves as a crossing point “among the dead” buried in the graveyard on both sides (“ Ils sont quelque part entre l’Achéron et le Léthé, ces morts qui n’ont pas été régulièrement enterrés par le spectacle, ils sont censés dormir en attendant qu’on veuille les réveiller, tous, le terroriste redescendu des collines et le pirate revenu de la mer, et le voleur qui n’a plus besoin de voler ” / “They lie somewhere in between the Lethe and the Acheron those dead whom the show business community forgot to bury on a regular basis, they are supposed to sleep while waiting for someone to awaken all of them: the terrorist returned from the hills, the pirate back from sea and the thief who no longer needs to steal”) says the voice-over of a soldier fleeing through the catacombs). And finally, the power to arouse imagination: empowered by the pervading narratives, it drags along the whole cinematic apparatus: sounds and images from far away (music, studio shots, documents, texts etc.). Therefore, the method selected here grants the witness entire freedom. Starting with long shots taken at passers-by’s height, the movie evolves towards the metamorphosis of a miniature model exposed to power’s panoptic vision. For just as long as The Memory of an Angel) lasts, the lane is the setting of a mandatory open tour unraveling a complex perspective which the viewer will have to walk up and down and interpret to his/her liking.
    Cinematographies

    All of Arnaud des Pallières’s films have made the same bet opposing the necessarily organic authority of the fable and the narrow-minded resoluteness of images to speak out merely about themselves. And none of his films brings down this discrepancy through reconciliation; on the contrary, it has increased and divided into two poles resembling two antagonistic manifests.
    The first pole is clearly didactic and shown in its most obvious schoolish light: blackboard covered in chalk, classroom, recitation, typical teacher and pupil figures (La mémoire d’un ange / The Memory of an Angel, Les choses rouges / Red Things), reading breaks, (Is dead), class scenes (the university auditorium or the singing lesson in Drancy avenir (Drancy future) in which the “heroine” studies History), etc. This is the basic transmission scene inherited from Godard and Syberberg and Brecht before them. A space dedicated to the need to learn, a frame within which speech can spread out, where one can name, demonstrate; a pedagogical open space where sound and image temporarily unite to overcome an obstacle encountered on their way. If this space takes on a dramatic dimension, insofar as speech is favored in order to better call on to the viewer (thus remaining faithful to those who inspired him: Oliveira, Eustache, Duras, the Straubs…), this is due to a desire to produce a work which, instead of plainly listing information, displays itself as jeopardized: speech is perpetually at odds with itself, fighting against its own inability to clarify things, against its univocal nature.
    On the other hand, in the other pole – most often mute (or at least the sound, music or commentary, is off) – the image’s single duty is to record the hustle and bustle of the ghost-like part of everyday life, work, nature, etc. Obvious sign of this essential unsteadiness: the images’ shifting progression speed – from slow to fast motion – breaking free from all the synchronization requirements (both practical and symbolical) imposed by synch sound. That is why, unlike the first pole only doted with a limited number of archetypes, its randomness allows the second pole to be embodied by a great amount of figures. They never rise to the rank of characters but appear more as supports likely to welcome or arouse events: roadway, road sweeper (La mémoire d’un ange / The Memory of an Angel); maybe he originally belonged to the cleaning team glimpsed in the early morning in front of a movie theater on Sébastopol Boulevard in Duras’s Les mains négatives, peasant women, a grave digger, graves at the Père Lachaise cemetery, actress Micheline Dax, rustling leaves, a cowherd, a man on a motorbike (Les choses rouges /Red Things ), archive images (Is dead): somehow echoing Jonas Mekas’s Walden Journal this movie is undoubtedly the one that complies the most with Stein’s injunction: “The business of Art… is to live in the actual present, that is in the complete actual present and to completely express that complete actual present”). In a word, the stormy rhythm of the world which must not move against something but simply move. Indeed, as Stein asserts, “perhaps it is possible to know that [the world] is moving even when it is not moving against anything.”

    Music and editing

    This double assumption, which makes des Pallière’s films swing from one extreme to another (e.g. with the present of the past on the one hand, and the present of the present on the other), compels them to find their stylistic homogeneity not so much in a filmmaker’s pose as in a logic of severance. Hence the quite decisive editing. But what is editing when one does not simply claim it as a cinematic discipline but, on a wider scale, as a strategy? The least “innocent” part of cinematic creation is also its most technical aspect, a transposition of assembly lines (“chaînes de montage” in French, while “montage” means editing). Besides, Gertrude Stein evokes the connection between the release of her collection Tender Buttons in 1913 and the automation of Ford factories). Editing echoes the unproductive parceling each production activity has to go. This probably explains why worker figures in those films – unlike the widespread sordid or heroic archetypes – are rather prone and impatient to eliminate and reset everything: Streetsweeper, gravedigger, chicken plucker, actress, painter, writer. In fact, in des Pallières’s movies, the editing seems to be done by dismantlers doing the opposite of what an editor does. A means to “break free from all the uncouth naturalism” (Benjamin) editing in such a way prevents viewers from appropriating the story in a linear and Romanesque way. Oppositely, this type of editing implies a sort of stutter, never-ending retakes, tiny and unflagging repetitions. Rejection of the slavish evolution of thought speaking of that which Blanchot described Stein’s famous quote “a rose is a rose is a rose” as “pure resistance”. But the dismissal of the Author in des Pallières’s movies in favor of the filmmaker (then a mere underling) goes as far as the very act of writing: not a single text has not been borrowed or remade. Other films meddle with the narratives (for instance a clip of Orson Welles’s unachieved Merchant of Venice in Drancy avenir (Drancy Future)); and the compulsory archive images in Is dead float about, totally exempt from their hagiographic duty, suddenly free of copyrights). Each of the many voices called upon is asked to add a layer to “Everybody’s Autobiography”, as Stein would have wished. This initiative is delineated by a musical horizon. But let us not delude ourselves as to the prominence allotted to music. As the singing lesson in Drancy avenir (Drancy Future) shows with verve (we see a young cantatrice patiently practicing a terrifying lullaby) music is one more element adding up to the tension: a dialectic instrument. Like Adorno underlines about Mozart and Bach (respectively closing Drancy avenir / Drancy Future and La mémoire d’un ange / The Memory of an Angel), his essential YES is, above all, a way to say NO to pervasive negation. His approval can only be heard as raging and, as Benjamin states, leaves untouched “the gift to fan, for the past, the flame of hope”.

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    1. La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains, Jacques Roubaud, Paris: Gallimard, 1999.
    2. “ L’immémorial ”, Jean-Luc Nancy, in Art, mémoire, commémoration, Nancy: Voix Richard Meyer / Ecole Nationale Supérieure d’Art de Nancy, 1999.
    3. “ La constance de l’art ”, Jacques Rancière, in Trafic n° 21, P.O.L. For further reading about Drancy avenir see Rancière’s article in Arrêt sur image, Paris: Centre Georges Pompidou.

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